
Les récents développements de l’intelligence artificielle ont ouvert d’immenses possibilités d’applications dans de nombreux domaines. Cependant, ils ont également suscité des inquiétudes quant à la direction prise par cette technologie. Du point de vue du progressisme numérique, l’IA peut être un outil révolutionnaire contribuant à restructurer la société vers plus de justice et d’égalité. Cette vision vise à libérer l’IA des contraintes du marché capitaliste et à la réorienter vers le service de l’humanité tout entière, en la transformant en un moyen d’améliorer la qualité de vie, de libérer les individus des travaux routiniers pénibles et de stimuler la créativité humaine dans tous les domaines.
Pour la première fois dans l’histoire, il est devenu réaliste de répondre aux besoins de la majorité de la population avec un effort humain minimal, et de fournir biens, services et connaissances en abondance, parfois même gratuitement, sans dépendre d’un travail salarié intensif ni de structures bureaucratiques traditionnelles. Or, ces possibilités sont aujourd’hui contraintes et détournées pour maximiser les profits, réduire les salaires et approfondir la domination de classe et idéologique, plutôt que pour libérer les individus de l’exploitation.
L’IA n’est pas seulement un nouvel outil entre les mains du capital : elle reflète fondamentalement une transformation qualitative de la nature de la production et met à nu les limites structurelles du capitalisme. De nombreuses applications et plateformes numériques – de l’impression 3D aux systèmes coopératifs, en passant par la production domestique, l’automatisation de masse ou encore la suppression des intermédiaires capitalistes dans certains secteurs – démontrent que la société dispose déjà d’outils permettant une réorganisation socialiste de l’économie, de manière horizontale, participative et communautaire.
Pourtant, cette transformation reste contrainte et étouffée par les structures monopolistiques qui dominent la technologie et la redirigent vers le profit plutôt que vers le bénéfice social. Dans les sections suivantes, nous explorerons comment une vision socialiste et de gauche – en particulier celle du progressisme électronique – peut redéfinir l’intelligence artificielle comme une force libératrice au service des valeurs humaines et progressistes. Ces idées ne sont toutefois qu’un cadre pour un dialogue collectif au sein de la gauche. Proposer une telle alternative nécessite une large discussion parmi les mouvements et individus de gauche, progressistes et militants à travers le monde. L’objectif ici n’est pas d’apporter des solutions toutes faites, mais d’ouvrir un débat sur des priorités urgentes, et d’inviter à contribuer à l’élaboration d’une vision numérique de gauche, fondée sur la propriété collective de l’intelligence artificielle en particulier, et de la technologie en général, à travers un effort organisé de la gauche mondiale.
1. Développer des systèmes d’IA de gauche, neutres et open source
Une solution envisageable consiste à développer des systèmes d’IA neutres, démocratiques et open source, comme stratégie centrale pour affronter la domination des grands États et corporations. Ces systèmes doivent être gérés avec transparence et indépendance, en étant maintenus autant que possible à l’écart des intérêts capitalistes monopolistiques, afin de garantir leur usage au service du peuple. Cela nécessite un effort collectif et une coordination entre les organisations de gauche, progressistes et de défense des droits humains à l’échelle mondiale, afin de promouvoir une technologie au service de la démocratie, de la liberté et de l’égalité.
Les systèmes open source offrent la possibilité au public et aux organisations progressistes de participer au développement technologique en accord avec leurs valeurs. Les individus ou groupes peuvent accéder au code source, comprendre le fonctionnement des systèmes et les modifier ou améliorer librement. Cette approche favorise la propriété collective, l’innovation, la transparence et contribue à réduire le contrôle des États et des corporations monopolistiques. Elle diminue également les risques de manipulation idéologique ou d’agendas cachés, en rendant les systèmes plus fiables et indépendants des intérêts capitalistes étroits.
Elle assure aussi des garanties en matière de protection des données et de vie privée. L’audit public du code permet d’identifier et de limiter les biais et manipulations servant les intérêts de la classe dominante. Construire la transparence et la confiance dans l’IA constitue donc une première étape essentielle vers sa transformation en outil libérateur. La solution ultime, à long terme, réside dans une coordination mondiale des organisations progressistes pour développer et promouvoir des alternatives transparentes et de gauche à l’IA, garantissant que la technologie devienne propriété collective, sous contrôle public intégral, alignée sur les droits humains, l’égalité, les valeurs démocratiques et le pluralisme intellectuel.
L’IA, au lieu de rester le domaine exclusif des États riches et des multinationales, doit devenir un outil progressiste et populaire pour résoudre des problèmes mondiaux et locaux : pauvreté, exploitation, inégalités, démocratie, changement climatique, santé et éducation inclusives. Ainsi, l’intelligence artificielle devient un projet libérateur mondial, redéfinissant la relation entre l’humain et la technologie selon des valeurs socialistes, et ouvrant la voie à un modèle où la technologie sert l’humanité.
Dans l’attente de ce modèle progressiste, les technologies actuelles doivent être soumises à un contrôle juridique et des droits humains indépendant et international, afin d’assurer transparence et équité. Cette surveillance peut au moins encadrer la manipulation capitaliste de la technologie et constituer une étape initiale vers sa réorientation au service du public.
2. Un outil pour la justice sociale et l’égalité sur le marché du travail
Orientée à travers un prisme socialiste-progressiste, l’IA peut devenir un outil puissant de libération et de justice sociale, en analysant les problèmes complexes et en proposant des solutions pour réduire les inégalités économiques et l’oppression de classe. Mais cet objectif n’est pas automatique : il faut orienter ses mécanismes vers les causes structurelles de la pauvreté, du chômage, du manque de services de base et des discriminations sociales.
L’IA peut aussi aider à surveiller ces inégalités via l’analyse avancée des données, afin d’identifier les groupes les plus défavorisés et de proposer des politiques correctrices. Dans ce contexte, les gouvernements progressistes et institutions de gauche peuvent utiliser ces technologies pour concevoir des programmes économiques et sociaux plus justes et précis, en fonction des besoins réels des communautés marginalisées. Cela favorise l’égalité des chances, réduit les inégalités de classe et renforce la justice sociale.
L’alternative de gauche vise aussi à faire de l’IA un outil de libération du travail répétitif et épuisant, tout en garantissant des emplois dignes et stables à salaires équitables. L’automatisation, utilisée de façon juste, permet de réduire le temps de travail global, libérant ainsi du temps pour l’épanouissement personnel, la participation communautaire et la jouissance de la vie, plutôt que d’enfermer les individus dans l’exploitation capitaliste intensive.
Le marché du travail devient alors plus libre et égalitaire, sans discriminations de genre, de race, de religion ou d’âge, grâce à des systèmes d’évaluation basés sur les compétences réelles, indépendants des biais sociaux ou idéologiques. De plus, l’IA peut soutenir l’organisation syndicale et l’activisme, via le développement d’applications pour créer des syndicats numériques, renforcer la solidarité et améliorer le rapport de force des travailleurs face aux employeurs.
Enfin, elle peut même être utilisée pour développer des logiciels capables d’imposer des grèves numériques, en perturbant la production dans les entreprises ou institutions violant les droits des travailleurs ou interdisant l’activité syndicale. Dans les régimes autoritaires, ce type de stratégie peut devenir une arme de dernier recours pour forcer l’octroi de droits au travail.
3. Un outil de libération scientifique et de créativité
Plutôt que d’affaiblir les capacités humaines et de générer des générations dépendantes, l’IA peut être réorientée comme outil de libération scientifique et de créativité. Elle ne doit pas remplacer totalement la pensée humaine, mais l’accompagner, en libérant du temps pour l’innovation et la recherche. Des systèmes progressistes et open source peuvent être conçus pour stimuler l’esprit critique et créatif, incitant les utilisateurs à explorer et réfléchir, plutôt qu’à consommer passivement des réponses toutes faites. L’IA peut suggérer des pistes de recherche, analyser des données et inspirer de nouvelles idées, renforçant l’indépendance intellectuelle. Elle peut aussi rendre accessibles à tous des outils puissants d’analyse scientifique, accélérant les progrès dans la médecine, la sociologie, les énergies renouvelables, la protection de l’environnement, etc.
Des projets collaboratifs impliquant travailleurs, femmes, ingénieurs, chercheurs et activistes peuvent être mis en place, garantissant que la technologie serve l’intérêt public. L’IA devrait être fournie comme service public gratuit, donnant accès à toutes ses fonctionnalités, afin de démocratiser la créativité sans barrières financières.
4. Un contrôle communautaire de l’intelligence artificielle
L’alternative de gauche vise à instaurer un contrôle démocratique et transparent de l’IA, afin de s’assurer qu’elle soit utilisée de manière équitable. Cela suppose une redistribution du pouvoir numérique, pour que la technologie devienne propriété sociale.
Des institutions et plateformes participatives doivent être créées, permettant au public d’examiner la conception et l’usage des algorithmes. Des instances de surveillance populaires doivent voir le jour, localement et internationalement, avec une représentation large : travailleurs, universitaires, défenseurs des droits humains, experts techniques.
Des lois contraignantes doivent obliger les développeurs à intégrer des valeurs de justice et d’égalité dès la conception, avec une évaluation communautaire obligatoire avant toute mise sur le marché. Aucun système ne devrait être commercialisé sans un examen approfondi garantissant qu’il ne nuit pas aux groupes marginalisés. Ces instances doivent aussi avoir un véritable pouvoir d’audit et de régulation, afin d’empêcher l’IA d’être utilisée comme outil de domination et d’inégalité.
5. Restructurer la production et la distribution avec l’IA
Enfin, un pilier central de cette vision consiste à employer l’IA pour restructurer la production et la distribution selon des principes socialistes et démocratiques. Grâce à l’analyse précise des données, il devient possible d’allouer efficacement les ressources en fonction des besoins réels de la société, en évitant la surproduction caractéristique du capitalisme.
Un système socialiste démocratique propulsé par l’IA pourrait équilibrer production et consommation, redistribuer équitablement les ressources et maximiser les capacités existantes. L’IA peut optimiser les chaînes d’approvisionnement, réduire le gaspillage, orienter la production vers les zones les plus défavorisées et promouvoir la durabilité écologique en diminuant l’usage d’énergie et de matières premières. Les systèmes logistiques intelligents peuvent améliorer la distribution des biens et services, réduire les émissions de carbone et garantir un accès équitable, sans manipulation marchande ni monopole.
De plus, l’IA peut renforcer la transparence dans la production et la distribution en suivant l’allocation des ressources et en s’assurant qu’elles correspondent aux priorités de la communauté. Elle a également le potentiel de révolutionner la production coopérative et sociale. L’IA peut donner aux coopératives et aux projets communautaires les moyens d’utiliser des technologies intelligentes qui améliorent l’efficacité opérationnelle, réduisent les coûts et garantissent une distribution équitable des ressources entre les membres. Dans ce contexte, la technologie devient un outil de construction d’une économie solidaire, aidant les communautés pauvres à atteindre une indépendance économique et politique grâce à la production collective et à la répartition équitable des ressources disponibles, en dehors de la mainmise du capital monopolistique.
6. L’intelligence artificielle pour la justice de genre
Les forces de gauche, féministes et de défense des droits humains doivent travailler activement à la conception et au développement de systèmes d’IA qui promeuvent la justice de genre et soutiennent l’égalité pleine et entière. Pour cela, il faut assurer une représentation équilibrée des femmes dans les équipes de développement technologique, afin de réduire les biais sexistes présents dans les algorithmes. Des politiques doivent aussi être imposées pour garantir la diversité de genre à toutes les étapes et à tous les niveaux de la conception et du développement de l’IA, afin de démanteler la domination masculine qui prévaut dans ce domaine.
De plus, les algorithmes doivent être entraînés sur des ensembles de données complets et diversifiés qui reflètent pleinement et sans stéréotypes l’expérience et le rôle des femmes. Cela permettrait de briser les moules traditionnels de genre renforcés par les structures patriarcales. Les gouvernements doivent adopter des lois obligeant les entreprises à publier des rapports transparents sur la diversité de genre dans leurs équipes et programmes technologiques, avec des sanctions significatives en cas de non-respect.
Les critères d’évaluation doivent évoluer pour se concentrer sur « l’équité de genre » dans la performance des systèmes, plutôt que sur la seule efficacité technique. L’IA peut aussi être utilisée pour soutenir les droits des femmes et promouvoir l’égalité en développant des systèmes analytiques avancés capables de détecter les discriminations sur le lieu de travail. Elle peut également soutenir des politiques renforçant les droits des femmes en matière d’éducation, de santé, ainsi que d’inclusion économique et politique. De plus, des technologies d’IA peuvent analyser les écarts salariaux entre les sexes en exploitant des données du marché du travail, afin d’élaborer des politiques plus justes favorisant la parité salariale et l’égalité des genres.
Les organisations de gauche, féministes et de défense des droits humains doivent adopter un discours qui redéfinit la technologie comme outil libérateur pour l’égalité de genre, plutôt que comme mécanisme reproduisant les discriminations. Cela inclut la remise en question des stéréotypes liés aux systèmes vocaux et de services, ainsi que le développement d’assistants intelligents reflétant des valeurs progressistes telles que la justice et l’égalité, reconnaissant les femmes comme partenaires à part entière dans la construction de la société.
De plus, le langage dominé par le masculin doit être éliminé des systèmes d’IA, et un langage neutre et inclusif doit être adopté pour déconstruire les biais sexistes. Cela peut être réalisé en concevant des algorithmes à partir de données linguistiques diversifiées et non stéréotypées. Des outils d’IA peuvent aussi être créés pour analyser et corriger les textes, afin d’éliminer les discriminations linguistiques ou genrées, contribuant ainsi à remodeler le langage des systèmes intelligents pour le rendre plus inclusif et équitable, et pour promouvoir le respect et l’égalité dans l’expression et la communication. Ces mesures contribueront à construire une vision alternative qui redéfinit la relation entre l’IA et la justice de genre, où la technologie devient un outil efficace d’émancipation et de libération, soutenant l’égalité et la justice pour toutes et tous.
7. L’intelligence artificielle comme outil de promotion des droits humains
L’intelligence artificielle doit être réorientée pour devenir un outil de protection et de promotion des droits humains, et non un instrument de restriction ou de violation. Pour cela, des initiatives progressistes de gauche doivent être mises en œuvre afin de garantir la transparence, la supervision et l’utilisation de l’IA de manière à promouvoir la justice et l’égalité, plutôt que de la laisser servir les régimes autoritaires et les grandes entreprises dans la surveillance et la répression. Des cadres juridiques stricts, locaux et internationaux, doivent criminaliser l’usage de l’IA dans les violations des droits humains, qu’il s’agisse de la surveillance, du ciblage de dissidents et d’activistes, ou de la censure numérique entraînant des arrestations, assassinats ou restrictions de la liberté d’expression.
Toutes les applications d’IA doivent respecter les principes de justice et les droits humains fondamentaux inscrits dans les chartes internationales. Les usages sécuritaires de l’IA doivent être soumis à une révision judiciaire indépendante, avec la participation d’organisations de la société civile pour évaluer les risques de ces systèmes sur les libertés. Des réseaux de solidarité mondiaux doivent surveiller les violations liées à l’IA et boycotter les entreprises qui vendent des technologies de surveillance aux régimes autoritaires, en les plaçant sur des listes noires internationales.
Pour garantir la responsabilité, des systèmes d’IA open source doivent être développés et gérés par des organismes indépendants composés de représentants de la société civile et des droits humains, avec supervision démocratique afin d’éviter tout abus par les gouvernements, les entreprises monopolistiques ou les régimes autoritaires. Ces systèmes pourraient protéger les droits humains en révélant les violations, en surveillant la performance des gouvernements et en analysant les données pour exposer les pratiques répressives.
Il est essentiel de renforcer le rôle des organisations de gauche, progressistes et de défense des droits humains dans la surveillance de l’utilisation de l’IA. Des coalitions internationales peuvent exercer une pression pour empêcher l’exploitation de cette technologie à des fins de domination et de répression numérique. L’IA peut aussi être un outil de résistance à la surveillance numérique, en soutenant le développement de technologies de cryptage et de communications sécurisées pour protéger activistes et dissidents, tout en surveillant les gouvernements dictatoriaux et en exposant leurs violations des droits humains. La sensibilisation du public aux dangers de la surveillance numérique et du contrôle est également cruciale, ainsi que l’adoption de lois locales et internationales pour prévenir les violations de la vie privée, fournir des outils de protection des données et garantir la liberté d’expression dans l’espace numérique.
8. Vers une alternative éco-socialiste de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle doit être réorientée vers la protection de l’environnement, un objectif qui ne peut être pleinement atteint qu’au sein d’un cadre socialiste redéfinissant la relation entre technologie et nature, loin de la logique capitaliste du marché qui domine actuellement son développement. L’alternative de gauche doit chercher à libérer la technologie du contrôle capitaliste et à en faire un outil de gestion démocratique et sociale des ressources. Ses applications devraient servir à lutter contre le changement climatique, à réduire l’impact environnemental de la production et à garantir une distribution équitable des ressources, plutôt que de renforcer le modèle capitaliste de production illimitée et consumériste qui détruit l’équilibre écologique.
Dans un modèle de gauche, l’IA deviendrait un mécanisme de planification économique écologique. Ses capacités analytiques seraient utilisées pour aligner la production sur les besoins réels de la société et non sur la demande du marché ou la compétition. Grâce à une gouvernance progressiste de l’IA, les ressources pourraient être utilisées plus efficacement, les déchets réduits et le développement technologique orienté vers des solutions environnementales profondes : amélioration des énergies renouvelables, gestion durable de l’eau, réduction des émissions industrielles, etc.
L’utilisation de l’IA doit être interdite dans les projets nuisibles à l’environnement, et toute technologie d’IA doit être soumise à une évaluation d’impact environnemental avant son approbation. Des systèmes de surveillance intelligents doivent garantir la conformité des entreprises aux normes écologiques, avec un contrôle populaire des politiques de développement technologique pour empêcher l’exploitation destructrice des ressources. Mettre fin à la domination des États puissants et des multinationales sur la technologie ne signifie pas seulement redistribuer ses bénéfices, mais redéfinir ses priorités. La technologie doit être orientée vers des initiatives environnementales stratégiques au service de la société et de la planète, et non des intérêts des entreprises.
La technologie capitaliste actuelle ne résout pas la crise écologique, elle l’aggrave. Dans un cadre socialiste, elle peut devenir un outil puissant pour protéger les ressources naturelles et construire une économie fondée sur la justice environnementale, plutôt que sur l’exploitation humaine et écologique. Si certaines réformes sont possibles dans le capitalisme (réglementations écologiques, lois vertes), l’expérience montre leurs limites et leur incapacité à apporter un changement fondamental. La solution de fond exige une transformation radicale de la relation entre technologie et société, soumettant toutes les technologies et systèmes d’IA à des normes démocratiques et écologiques strictes, plaçant la protection de l’environnement au premier plan. Cela implique aussi de développer des systèmes intelligents réduisant la surconsommation énergétique et favorisant un recours total aux énergies renouvelables, garantissant que la technologie serve à la fois la société et la nature.
9. L’intelligence artificielle pour la paix et le désarmement
L’IA doit être réorientée comme outil de promotion de la paix mondiale, et non comme arme de guerre et de destruction. Pour cela, des politiques internationales doivent interdire le développement et l’utilisation de l’IA dans l’armement, en particulier les systèmes autonomes sans intervention humaine directe, qui constituent une menace inédite pour la paix et renforcent la domination des grandes puissances militaires. Les mouvements de gauche et progressistes peuvent mener des initiatives mondiales pour pousser les gouvernements et institutions internationales à adopter une législation claire et stricte interdisant le développement militaire de l’IA. Cette technologie pourrait au contraire être utilisée pour analyser les conflits actuels, en étudier les causes profondes et proposer des solutions qui les traitent à la racine.
L’IA peut aussi renforcer la coopération internationale à travers des plateformes favorisant le dialogue entre peuples, la diplomatie et les solutions pacifiques. En outre, elle peut être utilisée pour documenter les crimes de guerre et violations des droits humains, en tenant responsables les régimes autoritaires, États et entreprises qui militarisent la technologie et l’utilisent pour mener la guerre. Les mouvements de gauche, les groupes pacifistes et les organisations anti-guerre ont un rôle clé dans la sensibilisation du public aux dangers de la militarisation de l’IA, via des campagnes éducatives, des médias progressistes et l’activisme de terrain, pour dénoncer les liens entre capitalisme, guerre et marchandisation de la destruction. Donner aux masses les moyens de résister à la militarisation de la technologie implique de construire un mouvement mondial de résistance capable de faire pression sur les gouvernements et institutions afin de mettre fin à cet usage inhumain et criminel de l’IA.
10. L’intelligence artificielle pour soutenir la démocratie et la participation populaire
L’IA doit être transformée d’un outil qui contribue à l’érosion de la démocratie en un outil qui la renforce et l’approfondit. Elle doit servir à autonomiser le public, à accroître la participation politique sur la base de l’égalité, et à garantir la transparence et l’intégrité des processus démocratiques. Elle peut être utilisée pour développer des plateformes numériques sécurisées et transparentes de dialogue et de vote, permettant aux citoyens d’exprimer leurs opinions et de participer directement aux décisions à tous les niveaux. Cela favoriserait une démocratie participative et redonnerait pouvoir et initiative au peuple.
Des outils d’IA peuvent aussi être créés pour détecter et exposer automatiquement les fausses informations et campagnes de désinformation, protégeant le public des manipulations visant à affaiblir sa capacité de décision éclairée. Ces outils devraient être largement accessibles et gratuits, dans le cadre d’une initiative publique pour promouvoir la transparence médiatique et lutter contre la domination des monopoles de l’information. Cela nécessite de lutter pour l’adoption de lois locales et internationales interdisant explicitement l’utilisation de l’IA pour manipuler l’opinion publique, et garantissant que l’information diffusée soit exacte, objective et représentative de la réalité, libre de tout biais de classe ou idéologique.
À propos de l’auteur
Rezgar Akrawi est un intellectuel indépendant de gauche, intéressé par la gauche et la révolution technologique. Il travaille comme expert en développement de systèmes et en gouvernance électronique. Il est coordinateur du Centre d’études et de recherches marxistes et de gauche (en arabe).
Basé sur les idées de :
Artificial Intelligence Capitaliste : Défis pour la gauche et alternatives possibles – La technologie au service du capital ou un outil de libération ?
par Rezgar Akrawi – disponible en plusieurs langues.
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