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Le travail, un sociolecte aliénant

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1. Le capital linguistique

Le langage est un identificateur social, par-là, nous entendons qu’il reflète des identités de pouvoir, de classe, de genre… Il forme de ce fait un « agir stratégique », alors un rapport implicite du dire au faire dans un ensemble de présupposés institutionnels (historique, sociologique, politique…) que le locuteur transmet à son interlocuteur, et qu’il symbolise dans un ensemble inférentiel. Le langage n’est pas un outil de communication neutre, il se forme et se construit comme une stratégie marchandable, une économie du langage se forme donc. L’économie du langage se définit dans la valeur du discours et l’ensemble des sens qu’il transporte dans l’instant Temps du discours. Pour le dire autrement, le langage est usé comme une valeur échangeable où le discours révèle des identifieurs sociaux. De ce fait, il se forme selon le système hégémonique. Nous emploierons la notion d’Hégémonie culturelle (Gramsci), celle-ci révèle que le langage transmet un ensemble de processus sémiologiques construisant des habitus (Bourdieu), alors un ensemble de dispositions résultants d’une intériorisation plus ou moins consciente de différents cadres normatifs ( enfance, école..) comme l’incarnation de rituels normatifs. Bourdieu développe « l’habitus linguistique », de ce fait se développe une nouvelle phase d’inculcation idéologique post-enfance, déployant une incarnation ritualisée, c’est-à-dire une organisation physique de soi et de son environnement laissant transparaître une socialisation conventionnalisée. Pour simplifier, le capital post trente glorieuses par une nouvelle socialisation au consumérisme a construit la langue comme un outil idéologique d’économie politique, que les locuteurs ne remettent pas en question. Ainsi, nous définissons le capital linguistique dans son cadrage bourdesien, un système d’identificateurs sociaux construisant un schéma identitaire bourgeois où le langage apparaît comme composante d’un système hégémonique. C’est aussi l’ensemble des processus de normalisation idéologiques, par la domination d’une langue nationale imposée sur les dialectes locaux. Ces processus de normalisation profitent à une élite culturelle qui par la norme et une institution présupposée, qui donne la vertu du dire véritable, offre un monopole politique où le fait de mal dire revient à être exclu du monde intellectuel, renforçant une division du travail favorable à cette même bourgeoisie et à un impérialisme linguistique. “L’officiel” de l’institution, présupposée à l’espace discursif, créer une discontinuité discursive où le locuteur construit son rapport au langage sur le légitimé, niant ou dévalorisant une pratique linguistique. Cette normalisation culturelle profite à une hégémonie intellectuelle se matérialisant en des normes idéologiques, manuels de grammaires et méthodologies du langage comme un simple système de signes dénués de conditions socio-historiques. Pour aller plus loin, Bourdieu construit un habitus linguistique, pour rappel l’habitus c’est un ensemble de dispositions engendrant des pratiques pas nécessairement conscientisées. Ils passent par un processus d’inculcation où la passage de l’enfance est déterminant, un passage structurant et révélant les conditions sociales de l’individu. Comme dit Bourdieu ces dispositions sont “durables”, “génératives et transportables”, elles engendrent une multiplicité de pratiques et perceptions dans d’autres champs que l’espace d’inculcation. C’est pour quoi l’on parle d’habitus linguistique, reflétant le processus d’inculcation construisant  “L’Hélix corporelle”, alors l’organisation du corps et son déploiement dans le monde ( façon de parler, accentuation, argot, façon de se tenir…). Comme le dit John B. Thompson, “le corps est le lieu d’une histoire incorporée”. “les pratiques ne cessent d’obéir à une logique économique”, tout au long de notre étude nous verrons qu’un marché linguistique se construit, où un ensemble symbolisé ( méconnu) déploie un capital culturel, symbolique et linguistique. Nous emploierons la notion de profit de distinction, les codes normés révélant un capital symbolique et social où le locuteur familier du marché linguistique est « récompensé ». La cadre officiel du langage démontre cela, les productions linguistiques dépendent de conditions de marché et de leurs évaluations par les auditeurs ayant intériorisés un ensemble de codifications antérieures au discours. Le cadre formel de discussion est bénéfique pour le locuteur formé au marché, pour une classe sociale dotée d’un pauvre capital linguistique, c’est l’exigence de la norme qui prévaut. L’hypercorrection est une matérialisation de l’idéologie bourgeoise dans le discours, faisant coïncider une pratique différenciée à un système normatif fantasmé. La langue officielle deviens méthodologique et s’impose comme un présupposé antérieur au discours forgeant l’espace discursif, plus encore comme nous le verrons dans la partie quatre, le cadre interactionnel. Ainsi, les expressions linguistiques symbolisent les habitus des locuteurs dans un ensemble stratégique se liant à la norme et l’idéologie linguistique. 

Le locuteur cherche donc à légitimer sa position dans le marché linguistique, l’argot devient, surtout pour les hommes, un moyen de se distinguer dans une symbolisation sexuelle. La langue bourgeoise est vue comme élaborée, gracieuse et efféminée, dans une lutte patriarcale constante, pour se créer un capital linguistique et ainsi légitimer sa place de locuteur, l’homme enracine des hiérarchies économiques et sexuelles. Ainsi, cette volonté de se distinguer pour construire son identité de classe favorise le marché linguistique en répétant des normes et codifications d’un “pouvoir symbolique”  comme dit Bourdieu, alors l’ensemble des formes de pouvoir du capital. Ici, l’on voit le système patriarcal, où l’homme construit une force symbolisée par les codifications capitalistes en pensant contrer la normativité de ce même marché. Il accepte de ce fait sa domination et y participe activement. 

La langue officielle, ou la langue d’état favorise la division du travail et la puissance institutionnalisé qu’est l’état. La violence symbolique qui résulte du processus de standardisation de la langue, on pense pour le cas français, au rejet des dialectes locaux caractérisés de patois, puis rejeter en faveur d’une communauté linguistique (créant de ce fait une communauté économique, un capital symbolique valorisé), laissant le verbe à la classe bourgeoise. Le capital linguistique a servi un marché économique. Ainsi, l’unification des langues en une langue d’état a suivi l’unification économique post-révolution française, alors la domination fiduciaire et terrienne de la bourgeoisie. Imposer une langue commune permet de créer une valeur linguistique des locuteurs, ainsi les faire acquérir des compétences et faire accroître leur valeur sur le marché du travail. Tandis que les seuls à manier la langue économique est cette classe bourgeoise, à l’instar de l’église qui faisait la messe en latin, l’école, le lieu de travail se dit en français.  Cette langue officielle dans une logique de marché, se construit comme un capital linguistique, la compétence linguistique étant devenue une valeur sociale. Par-là, nous entendons que le marché linguistique est une économie, on pense la rarification, le qualitatif et quantitatif pour construire une compétence humaine (le langage) comme légitime et fantasmée pour rejeter ou créer des groupes d’individus dotés d’un riche ou pauvre capital culturel, selon la norme. Celui-ci favorise l’unification du capital économique en regroupant l’ensemble des champs (langue par exemple) autour d’une valeur économique, pour en faire bénéficier la classe bourgeoise. Ainsi, construire une langue légitime produit et reproduit l’ensemble des conditions pour le maintien du système capitaliste, car se développe un profit de distinction bénéfique à la classe bourgeoise. Un capital social et symbolique venant justifier et légitimer une stratégie de marché. Plus encore légitime la division de classe, la marginalisation, la division du travail en créant un groupe intellectuel vertueux, et l’autre sans valeur cherchant à atteindre une pureté normative pour imiter le monde bourgeois, une servitude volontaire qui légitime et enferme l’individu dans le système libérale.  Plus encore, le capital symbolique se déploie dans un capital politique. Celui-ci nous le définirons, du point de vue bourgeois, comme un jeu théâtral où ce dernier impose un monopole de pensées objectives. Pour le dire autrement, l’institutionnalisation des différents champs culturelles et politiques entraînent la légitimation de la classe bourgeoise par une objectivation des procédés mécaniques que sont les habitus, du moins l’ensemble des représentations mentales symbolisées ( patriarcat, démocratie parlementaire… en somme, un ensemble de hiérarchies voulues naturelles). Sa position est celle d’un joueur se liant aux normes objectives, et jouant avec des pseudo-transgressions ne faisant que renforcer la norme objective. On pense aux politiques populaires, où le populisme devient un apolitisme. En effet, c’est l’expérience transcendantale du moi comme identité sociale qui prime. Par-là, j’entends que s’installe un jeu dans l’ensemble symbolisé qu’est le marché linguistique, où les codes institutionnalisés se personnifient en une identité morale, celle-ci doit jouer avec les codes institutionnalisés pour créer une clientèle de ce même marché, un système de valeurs réciproques où le locuteur et l’allocutaire se rattachent aux  idéologies “objectives” ( économie, politique, religion, science…).

Pour aller plus loin, nous entrerons plus en profondeur dans l’économie politique. Pour cela, nous emploierons la notion d’hédonisme de consommation (Lipovetsky). Comme nous l’avons introduit, depuis les trente glorieuses un nouveau système de socialisation s’est construit, autour du consumérisme (cf : article, Individualisme et renouveau post-néholitique). Pour la résumer succinctement, nous dirons qu’il est la symbolisation des idéaux néo-libéraux, surconsommation, surtravail et socialisation pulsionnelle aux besoins radicaux (Marx). Plus précisément, comment l’individualité s’est reconstruite autour d’une nouvelle socialisation consumériste, alors la symbolisation du travail ( travail abstrait) et comment le langage surtout la significations d’expressions et de valeurs instaurées par ce nouveau monde est vecteur d’idéologies. Nous détaillerons ces notions dans la partie II. Le capital linguistique est l’ensemble des processus libéraux impactant le langage, que ce soit des identificateurs hégémoniques, des interactions ou des procédés mémoriels retravaillés, la langue est une pratique sociale normative instaurée par une institution. Par procédés mémoriels nous entendons les notions de mémoire discursive, alors les expressions du langage figées et immuables que le locuteur transmet sans remettre en question. On pense également à la démémoire discursive, alors l’oubli stratégique en discours, volontaire ou non dans un contexte social et historique déterminé, le langage se fige dans un ensemble symbolisé où l’histoire, comme institution bourgeoise, s’installe dans l’interaction comme immuable. Le capital linguistique c’est donc le langage influencé par l’économie politique au sein de l’hégémonie bourgeoise (sociale, historique et politique). Pour simplifier, la démemoire discursive est une coupure dans le discours, et dans un contexte général, la façon dont le locuteur emploie ce que l’institution culturelle construit comme un fait. L’histoire n’est pas neutre, elle est écrite par ceux qui détiennent les manuels. L’ensemble de ces procédés mémoriels permet l’instauration de nouveaux habitus linguistiques formant un nouvel individu, un narcisse moderne appréhendant le monde différemment (hélix corporelle).

2. Le Marché linguistique : Valeur d’échange, valeur d’usage

Comme nous l’avons introduit, le néo-libéralisme a créé un marché linguistique. Nous l’analyserons à l’instar du marché économique autour du système des valeurs chez Marx. Nous résumerons la « valeur d’usage » à la valeur des choses en tant que tel, ou les besoins premiers et la valeur d’échange structurant le système marchand. S’oppose dans le langage deux agirs, communicationnelle et stratégique, le premier nous le lions à la valeur d’usage et le second à la valeur d’échange. Avant de continuer, je me dois d’insister, le langage n’est pas un outil de communication neutre, alors pas un simple agir communicationnel, au contraire. Nous lions les valeurs justement pour construire l’agir stratégique dans un ensemble de symbolisations économiques.

De cela, découle la symbolisation du travail, abstrait chez Marx, formant une composante essentielle de l’aliénation capitaliste. Ainsi, l’on voit le travail d’abord de par ses qualités symbolisées, comme capacité d’échange. Pour entrer plus en détail dans la théorie marxiste, le prolétariat se complaît dans le quantitatif à défaut d’avoir accès au qualitatif, dans une socialisation consumériste l’individu symbolise son travail autour de ses besoins. Ces derniers sont sans cesse renouvelés, ce que Marx appelle les besoins radicaux, alors créés par la société de consommation venant dans un même temps créer le manque et combler l’individu acheteur sempiternellement. C’est d’ailleurs de par cette notion que lipovetsky construit l’individu acheteur, ou citoyen acheteur chez Debord, comme un « narcisse moderne ». Nous résumons celui-ci comme un individu inscrit dans cette socialisation consumériste, voyant son individualité construite autour du pulsionnel qu’il pense combler par un système de besoins capitalistes. De ce fait, il se désunifit de la société et symbolise son travail comme légitime à sa condition et plus encore légitime la plus-value libérale, le travail n’est plus vu comme satisfaction de l’usage mais comme un système d’échanges économiques.

Ainsi, le langage apparaît comme une économie resserrée se liant à cette socialisation pulsionnelle. Il s’inscrit dans un cadre immuable où l’échange langagier devient profitable, le locuteur symbolisant des référents emplis d’idéologies que le discours transporte. Plus encore, le narcisse moderne construit le langage comme une fétichisation, comme le dit Lipovetsky, il se forme un procès de sacralisation. Le langage semble se structurer comme immuable, autour d’un pouvoir institutionnalisé, alors les processus de sens ne sont pas remis en question, la langue est fantasmée au point où il transmet un ensemble de valeurs s’inscrivant dans un marché linguistique ( cf: le capital linguistique). Plus encore, entériné dans une logique de marché l’auditeur est consommateur de valeurs du discours. Des valeurs économiques, révélant ou non un capital linguistique pour imposer sa domination dans l’espace discursif. Un rapport de force destiné à être juger et apprécié selon un ensemble normatif implicite, toujours un profit de distinction qui révèle un agir stratégique. Le locuteur se vend à un consommateur qui juge ses capacités dans une économie du langage et un système d’échange entre normes et symbolisations du discours. Pour aller plus loin, le locuteur s’inscrit donc dans un marché, ce même marché symbolise et actualise le capital linguistique en créant une économie. Cette économie définit ses prix selon le contexte du langage, le rôle du locuteur et du système de valeur entre locuteur et auditeur (espace-temps, autorité cédée ou posture sociale du locuteur). Ainsi, comme le dit Bourdieu, le marché est « négociable », c’est-à-dire que la situation d’énonciation peut être moins défavorable aux habitus linguistiques dominés; pour autant, cette négociation révèle une constante pression normative et idéologique jusqu’au cercle privé. Le langage familier est rejeté jusque dans la famille, qui essaie d’augmenter sa valeur auprès du marchés par des habitus qui leurs sont inconnus. Ou au contraire par l’affirmation de l’argot et du familier mais ceci reste tout autant une forme de capital linguistique. Dans la négociation, on pense aux expressions de légitimation de déviance de la norme et du capital linguistique « si je peux me permettre », « entre nous »… Nos façons de « mal parler » demandent une justification auprès du capital linguistique perçu comme la seule véritable économie, bien que le locuteur construit l’argotique comme une valeur suprême. S’il a conscience de dévier de la norme par une affirmation d’habitus linguistiques dominés, il légitime et justifie la présence implicite d’une idéologie linguistique. Plus encore, il a conscience de la dévaleur de sa langue devant la langue officielle, et son personnage linguistique affirme une économie qui se distingue dans la marché. Dans un rapport d’assimilation et de dissimilation, le capital linguistique se construit comme un marché où le langage est en perpétuel tension de valeur, mais toujours devant la valeur des valeur qu’est la codification institutionnalisée.

De cela, nous ajouterons la notion de fétichisation de la marchandise chez Marx, engendrée par cette socialisation, le cadre relationnel se construit comme un espace hyperindividualisé, désunifiant l’individu de la société. Ils se lient plus encore au pulsionnel, à la marchandise et à la symbolisation du travail comme comblements de ces mêmes pulsions. Le langage est fétichisé à l’instar de la marchandise car il représente un moyen de se lier au monde bourgeois et petit-bourgeois. Consommer et respecter la norme linguistique, deux faces d’une même pièce aux croyances sous-bourgeois. Cette fétichisation de la langue c’est la symbolisation du langage comme un marché où la norme linguistique vient décider des valeurs des interactions. Plus précisément, le locuteur détenant les compétences linguistiques les plus proches de l’idéologie dominante est vu comme légitime dans l’interaction. L’émetteur se construit une position de force, et le récepteur subit un effet de censure du fait d’une expression perçue comme légitime. Les prix du marché linguistique se forment selon une norme donc, et celle-ci est anticipée dans le discours, que ce soit dans le fait de dire ou d’écouter. Cette anticipation forme un ensemble de présupposés symboliques, alors pas remis en questions et implicites dans le processus discursif, de ce fait l’interaction se construit comme une maximisation du profit symbolique destinée à l’évaluation de l’auditeur. Plus encore, selon le contexte du marché et donc des prix, un locuteur anticipant son discours par cet ensemble symbolisé se trouvera illégitime, alors s’auto-censurera car la valeur symbolique de sa parole ne paraîtra pas suffisante devant un tel contexte ou telle personne. Se forme de ce fait un capital linguistique, où le locuteur le plus proche de la valeur du prix (de la norme linguistique), sera plus légitime et sera fantasmé par un profit de distinction du fait de ses accointances avec la valeur symbolique de son discours. Ainsi, les productions linguistiques se forment selon un rapport économique où les lois de formations des prix du marché linguistique se forment au travers de différents champs institutionnalisés.

La travail devenant une condition de félicité essentielle aux besoins individuels, le langage, le signifiant, s’échangent pour un système stratégique, économique et idéologique.

J’aimerais revenir sur la force illocutoire d’Austin, comme simple façon de dire. Je dirais plutôt que celle-ci se base sur un système d’échanges symboliques. Par-là, j’entends qu’elle se construit autour d’une création de réception en manipulant l’auditeur en jouant avec les croyances institutionnalisées. Ainsi, la force illocutoire n’est pas le fait de dire, c’est l’ensemble des processus de sens qu’impliquent l’espace langue. La langue s’inscrit comme un espace, où elle se matérialise en un faire, on pense au mot d’ordre, que nous résumerons comme le passage du dire au faire, mais cela va plus loin. Le mot d’ordre est un faire car le marché linguistique créer une clientèle neutralisée, en personnifiant l’agir symbolisé de la langue. Pour le dire autrement, les procédés implicites du langage méconnues se matérialisent en une figure morale qui permet de ne pas penser ces procédés dominants. On pense au porte-parole par exemple, qui va créer son auditoire, le former en employant des valeurs qui lui permettra d’être attentif au dire sans se pencher sur les implicites du faire. Le porte-parole devient un référent de la parole véritable où le mot d’ordre se construit comme la matérialisation méconnue et implicite des rites d’institutionnalisations. Dans ce système de création de sens, le néolibéralisme a entrainé une multiplication des sens en changeant la valeur des mots tout en préservant la substance même de celui-ci. Prenons « l’assistance », mot polysémique du fait des valeurs économiques et sociales qui en découle,  » assistanat sociale ». Le capital est un système antinomique, là réside le principe même de la dialectique marxiste, le langage n’est pas exempté de cette logique. Le système langagier institutionnalisé créer un système de sens pluriel entre un signifié et un signifiant, le mot se retrouve doté de valeurs multiples, pour un seul matériel. Ainsi, cette polyphonie de sens vise à rendre l’économie politique libérale autonome, presque naturelle, elle use du langage ordinaire pour créer ce que j’appelle un idiolecte économique, où le plus simple des langages se doublera d’un sens économique. Le langage néolibéral c’est la création d’oppositions et de liens en un même signifiant, à l’instar de la dialectique politique, la dialectique linguistique c’est l’étude des contradictions capitalistes visant la désunification de l’individu, la création d’un espace autonomisé et profitable à ceux qui détiennent un capital culturel nécessaire à son approche. Pensons à un individu qui considère, après étude des présupposés du marché linguistique, qu’il ne possède pas assez de capital culturel car le jeu des définitions est tel qu’il censure ceux qui ne peuvent détenir un savoir nominatif du langage. Ce savoir nominatif par la dialectique linguistique, alors l’ensemble des contradictions de sens dans un même matériel linguistique, ne sera palpable que par les professionnels de la langue, renforçant une division du travail au profit de ceux qui possèdent un capital linguistique nécessaire à son approche. Plus encore, la langue ordinaire se double d’un savoir professionnel, où le locuteur « compétent » doit savoir jouer avec le savoir nominatif pour parler la langue libérale. Ne pas avoir ce savoir entraîne une auto-censure du fait d’un savoir nominatif moindre, l’autonomisation de la langue par se rapport de sens pluriel dégage des professionnels de la langue ( reconnus par les institutions), et alors de simples usagers « incompétents » ( auto-censure).

3. une plus-value linguistique: création de survaleur

En sociolinguistique, le terme de plus-value à de nombreuses fois été employé mais jamais retenu. Ce passage figure donc plus comme une hypothèse que comme un travail de recherche. Ainsi, nous emploierons une notion de théorie littéraire pour légitimer sa contribution dans cet article. Eco, dans la théorie du roman, parle de plus-value romanesque dans un rôle de co-énonciation essentielle à la fiction. Pour résumer cette notion, nous dirons que le rôle du lecteur dans l’élaboration de la fiction ,« du blanc fictionnel », forme une condition primordiale à l’épanouissement de l’espace diégétique. L’auteur pense un lecteur modèle capable de créer les éléments essentiels pour la fiction. Ce lecteur modèle figure, dans le langage, de par les connaissances encyclopédiques et les différents implicites et présupposés entre locuteurs et interlocuteurs. Ce système d’implicites, de non-dits se construit dans un travail inférentiel où le locuteur construit l’implicite et où l’auditeur doit le comprendre. L’ensemble de ces implicites se construisent dans un dispositif discursif transporteur de sens. Ces sens se figent et ne sont pas remis en question, souvent réemployés. Si le lecteur modèle est essentiel à la création du système de co-énonciation, alors le locuteur modèle également, mais qui crée le modèle si ce n’est le système hégémonique et institutionnalisé qui fait de la langue un ensemble de codes et d’idéologies ( cf: habitus)? Il est évident que les théories de Chomskys sont erronées, il n’y a pas de lecteur-auditeur idéalisé dans un espace linguistique homogène, à l’instar de Saussure, il oublie les caractéristiques socio-historiques des rapports de langues entre locuteurs. Par locuteur modèle j’entends un ensemble d’habitus caractérisant la façon de parler et de recevoir les mots, un processus sémiologique institutionnalisé. Je veux également insister sur le fait qu’il n’y a pas une langue homogène et une parole comme processus de subjectivisation de la langue objective, c’est aussi oublier ( sciemment) les conditions socio-historiques du langage. Il y a des processus langagiers dépendants d’une multiplicité de champs (politique, historique ou sociologique), et la part subjective réside en l’expérience du locuteur-auditeur dans un ensemble symbolisé. 

Plus encore, il faudrait étudier la part mécanique du langage. Ainsi, s’intéresser au langage automatique laissant transparaître l’influence de l’économie politique dans nos habitudes de langages/ de communications. Ainsi, tout ce qui n’est pas pensé directement par le locuteur et l’interlocuteur dans l’acte de langage formerait une plus-value linguistique, une part de co-énonciation figée par un système référentiel, politique et économique. Entre verbal et non verbal. Ceci nous poussera à étudier les reproductions et déterminismes langagiers/sociaux autour des notions de routine discursive et de mémoire discursive, comment les locuteurs utilisent la langue d’abord comme un agir stratégique. Pour l’individu, la façon d’utiliser la langue comme identificateur d’une part, et de l’autre (de façon implicite) véhiculée pour lui et les autres des idéologies économiques. Ainsi, les reproductions d’expressions, ou les implicites de notions qui interdisent le questionnement sémiotique. Ceci se traduit par la transmission des idéologies néo-libérales dans notre communication, et sur notre représentation du monde. Par-là, nous entendons les façons dont il interdit ou fait dévier le sens de certaines expressions que le locuteur intègre comme immuable, figé dans un sens que le système politique et médiatique transporte en faveur d’une hégémonie de classe.

Dans cette partie, nous pouvons mobiliser les notions de Goffman, tirés de « façon de parler » aux éditions de minuit ». Lire Goffman est compliqué, le résumer encore plus. Je vais tenter de partir de quelques unes de ses notions pour développer des hypothèses en lien avec le marché linguistique bourdesien. L’axe qui me semble le plus pertinent donc, semble se tourner vers la notion d’échange et de rencontre linguistique de Goffman. Pour le dire simplement, l’espace interactionnel n’est pas le lieu d’une grammaticalité exempte de déstructuration, les dialogues conversationnelles ne sont pas des éléments autonomes comme la phrase, il y a un contexte matériel et interpersonnel à prendre en compte. De ce fait, il n’est pas question de simples échanges, tout un cadre conventionnel, institutionnel vient structurer l’échange discursif. Ainsi, comme le dit Goffman, nous parlerons d’échange rituel, comme la matérialisation des contraintes systémiques et formelles de l’échange interactionnel. Ces échanges rituels obligent la construction de paires adjacentes, alors un format bipartite où une réplique attend un type de réponse selon la proposition énoncée. Ainsi, le locuteur doit transmettre une parole formelle où l’auditeur doit pouvoir lui transmettre en retour des signes de sa compréhension, verbale ou non ( système phatique). Plus encore, s’installent des contraintes rituelles où l’ouverture, la fermeture et l’intérieur du dialogue doivent être régis selon un système social et formel. ceci se matérialise en la politesse, signe d’un capital symbolique de son interlocuteur ou signe d’une demande pouvant être agressive, comme pour justifier le passage inférentiel du dire à l’agir. Le langage est stratégique, de ce fait le cadre interactionnel est régis par des contraintes ritualisées, c’est-à-dire institutionnalisées. Pensons aux rituels verbales impersonnels, Comme Goffman l’introduit, ils sont vident de sens, impensés et indiscutables, je dirais même qu’ils sont vériconditionnels, ils appuient les conditions du dire véritable, c’est-à-dire que les contraintes conventionnalisées et institutionnalisées servent un profit de distinction que l’institution capitaliste structure par l’installation d’un marché linguistique révélant des valeurs implicites, ( cf. capital linguistique, l’individu possédant un capital linguistique supérieur usera plus facilement des stratégies discursives: politesse, contexte de parole ou encore un savoir nominatif accru et gestes paralinguistiques). Je fais l’hypothèse que, dans une stratégie discursive, le locuteur peut briser le formalisme interactionnel des dialogues conversationnels pour créer un nouveau cadre interactionnel. Pour simplifier, je dis que le locuteur peut se servir des contraintes ritualisées pour obliger une réplique à convenir à une réponse attendue, ce qui impacte la volumétrie et la position haute du locuteur, et appuie la position basse de l’interlocuteur. Ceci peut venir de la notion d’implicature conventionnelle, un sens convenu d’un élément du dialogue ( lexical ou une expression), un élément implicité qui ne remet pas en question la condition de vérité de la déclaration du locuteur mais appuie et révèle le sens véritable de sa proposition première. une fois encore, pour simplifier, le locuteur transmet un sens réel déduit grâce à des indices contextuels et des principes conversationnels, c’est-à-dire des contraintes rituelles usées et manipulées ( politesse et travail inférentiel d’une réponse dans le cadre d’un dialogue, alors être capable de prédire une réponse à un énoncé). Nous parlerons donc de rituels interpersonnels verbaux et non verbaux, comme les gestes paralinguistiques ou flux gesticulaires qui portent une fonction emblématique dans le discours ( implicites ou scellant l’action de dire, par exemple, serrer la main de quelqu’un lors de l’ouverture d’un dialogue). Pour revenir à nos notions d’échange et de rencontre, la rencontre n’implique pas des paires adjacentes ( une proposition attendant une réponse ou la démonstration de sa réception par l’auditeur), je dirais même qu’elle en devient un artifice au service d’une économie linguistique. Comme le dit Goffman, la rencontre est la création d’un état de parole ratifié ( je reconnais mon interlocuteur comme tel), et je rajoute toujours selon ses termes, dans une séquence de mouvements, c’est-à-dire des rituels interpersonnels ritualisés ( gestes et contraintes rituels). DE ce fait, se développe un jeu interactionnel où l’ouverture du dialogue se fait accompagner de gestes implicités, un travail inférentiel institutionnalisé ( je te sers la mains, tu me dis bonjour, au revoir…) qui construit une position de paires mais dans un jeu interactionnel, c’est-à-dire des actes impensés qui construisent une position matérielle ( classe sociale, division du travail, hiérarchie…). c’est ici que se construit une économie linguistique, s’inscrivant dans un ensemble symbolisé qu’est le marché linguistique, où le locuteur reconnaîtra son interlocuteur dans un système institutionnalisé où le dialogue artificiel révèlera un ensemble de procédés mécaniques structurant des représentations mentales institutionnalisées. Par exemple, une réplique attendra une réponse à la hauteur des attentes de son porteur, ma façon de me présenter ou de rebondir me construisent une identité sociale. Les paires adjacentes étant le schéma formel ( proposition et réponse, proposition reprenant le contenu interactionnel et réponse: A1-B1-A2-B2), le système des paires adossées ( proposition, réponse-proposition: A1-B1-B2-A2), brise le dialogue et peut bouleverser un cadre interactionnel et changer la position des individus. Ainsi, se servir du système des paires adossées ou des paires adjacentes pour « contrôler » la réponse de son auditeur, revient à employer un ensemble symbolisé au sein d’une économie linguistique, verbale ou non. Plus encore, je pense que le locuteur peut briser le schéma formel des paires adjacentes pour imposer celui des paires adossées par une ambiguïté volontaire, en feignant une incompréhension, un silence ou une reprise lexicale pour développer son projet interactionnel. C’est-à-dire, que le locuteur peut créer une discontinuité entre répliques et réponses pour créer un cadre interactionnel presque univoque ( qui va dans son sens). De ce fait le dialogue conversationnel est pensé pour la domination linguistique du locuteur A, les éléments paralinguistiques étant fondamentales dans cette domination ( posture, gestes, implicites contenant les procédés d’ironies). Pour le dire simplement, le locuteur n’installe pas un espace de dialogue formel attendant la réponse d’un interlocuteur, il créer une discontinuité discursive pour imposer sa voix et la réception de sa parole, souvent en feignant l’attente d’un retour pour interdire l’échange bipartite et contrôler l’échange discursif en ne laissant qu’un droit de réplique et non de réponse ( c’est-à-dire un contenu propositionnel reprenant les termes du locuteur A sans développement de l’interlocuteur B, laissant place à la domination linguistique de A).

J’aimerais rappeler la notion que j’ai avancé dans la première partie,  » le savoir nominatif », alors la multiplicité du mot sans que sa substance n’en soit bouleversée. La plus-value linguistique, nous la définissons comme une création de valeurs additionnelles sans un changement matériel visible. Ainsi, la savoir nominatif entre dans la notion de rituel d’échange de Goffman, comme un savoir institutionnalisé et conventionnalisé dans l’espace discursif. Le savoir nominatif est un jeu interactionnel impliquant la création de valeurs sémantiques d’un mot sans en transformer sa substance. C’est ici que réside mon hypothèse sur la plus-value linguistique, l’ensemble des processus inférentiels régissant un rituel linguistique qui se doit d’être étudié sous la structure d’un dialectisme linguistique, alors l’étude des contradictions et des créations de sens au seins d’un même matériel linguistique. Plus encore, l’ensemble des éléments paralinguistiques et des contraintes rituelles ( politesse, ouverture ou fermeture d’un dialogue…) qui développent des sens multiples au sein d’un même énoncé, révélant un pouvoir symbolique, alors l’ensemble des contraintes formelles et conventionnelles qui se déploient de façon implicite au sein de l’espace discursif, souvent bénéfique dans un ensemble symbolisé qu’est le marché linguistique ( capital linguistique et profit de distinction).

J’aimerais ici développer plusieurs notions, le faire le plus succinctement possible pour la pleine concentration que requiert Goffman. La première est celle de mortification, qu’il développe au sein de l’institution totalitaire psychologique ( englobant l’individu et l’ensemble de ses besoins). La mortification est la dépossession du moi par un processus de déculturation ( en partie), ce processus j’aimerais l’utiliser pour la linguistique. Ainsi, je pense que la notion de mortification peut se développer au sein du marché linguistique comme l’homogénéisation des pratiques linguistiques, par des rituels interactionnels qui impliquent un ensemble d’implicites qui déploient des institutions totalitaires ( des structures sociales globalisantes, à la fois ritualisés et symbolisés ( impensés et méconnus). Ainsi, le marché linguistique développe un capital linguistique où les pratiques sociales se « normalisent » au profit des rites formelles et conventionnels.

Plus encore, je voudrais ajouter la notion d’items lexicaux, alors une unité de sens figée. Nous pensons aux structures de politesses ( sil-vous-plaît), ou encore de salutation ( bonjour) ou des expressions. Ainsi, le figement sémantique transmet « directement » l’acte de langage ( l’engagement) qu’elle peut exprimer ou accomplir. Comme dit Goffman, la forme locutoire transmet  » directement » l’acte de langage, c’est-à-dire que le fait même de dire engage le locuteur ou le récipiendaire à un but illocutoire ( ordre, promesse ou affirmation) et dans le schéma bipartie des paires adjacentes, comme forme interactionnelle institutionnalisée ( j’attends d’une réplique une réponse, et inversement), les items lexicaux transmettent des sens figés impensés que le locuteur ou/ et le récipiendaire sont forcés à développer comme une force illocutoire. Je dirais que les items lexicaux forment une plus value linguistique dans le sens où le travail inférentiel qui en résulte construit un engagement interactionnel où le récipiendaire ( ou le locuteur), est obligé de concevoir la réplique, par exemple, « où est le beurre, s’il te plaît », l’absence formelle ( inversion sujet-verbe) de la demande n’empêche par la compréhension résultant des contraintes systémiques, c’est-à-dire du processus sémantique et paralinguistique relevant des codes institutionnels ( la politesse attend un agir, un passage du dire au faire). Pour donner un autre exemple, toujours dans le schéma bipartite, une salutation entraîne l’attente d’un retour,  » A. bonjour- B. bonjour [ A. ça va/ B. oui et toi ?] ». Ici aussi, un simple geste paralinguistique ( je secoue ma main pour dire bonjour), suffit à l’attente systémique dans un cadre interactionnel ratifié ( je connais mon récipiendaire). Pour résumer, le schéma bipartite des paires adjacentes entraîne des attentes systémiques du fait du cadre interactionnel, c’est-à-dire des attentes implicites et impensées du fait même du cadre institutionnel ( La politesse comme une marque de distinction ou d’injonction par exemple). Cela pour dire que je pense que se déploie, par un idiolecte économique, des items lexicaux au sein d’un capital linguistique. La politesse, la salutation ou la façon d’encadrer le début et le fin d’une discussion sont la preuve d’une maîtrise d’un capital linguistique, entraînant de ce fait un profit de distinction. Ce profit de distinction entraine une position haute et une position basse, au sein du schéma bipartite, entraîne un déséquilibre stratégique où A peut engager B sur le fait même de dire. Pour le dire autrement, le passage du dire au faire que nous caractérisons comme une plus-value, au seins d’un schéma bipartie aux position stratégiques, déploie une situation inférentielle où l’unité de sens figée sert à A pour engager B sur le contenu propositionnel de sa déclaration. Il peut ainsi, en se servant des attentes systémiques du cadre interactionnel, engager son récipiendaire sur une promesse, une demande où au sein d’un énoncé assertif… Avant de résumer ce paragraphe, j’aimerais dire que tout ceci sert à comprendre que le schéma bipartite que nous déployons grâce à Goffman est une construction sociale du fait d’une institution totalitaire qu’est le marché linguistique. De ce fait, qu’une question attende une réponse est une construction sociale, et cette construction sert un agir ( passage du dire au faire) stratégique dans un cadre interactionnel où le travail inférentiel entre locuteur et récipiendaire est régis par des contraintes ritualisées. Pour résumer, le marché linguistique homogénéise les pratiques linguistiques pour y déployer un capital linguistique, créant des positions stratégiques au sein du schéma bipartite ( haute et basse) des paires adjacentes, à la fois formel et conventionnel/ institutionnel ( matériaux linguistiques et implicites sémantiques). Il est important de rappeler qu’il ne faut pas analyser la sociolinguistique comme une analyse purement et simplement interactionnelle, l’analyse du cadre interactionnelle se déploie toujours autour de contraintes ritualisées du fait même de l’institution que représente le langage.

Cette partie figure donc comme l’analyse d’une plus-value, une production de survaleur qui entraîne une transformation multiple du mot ou de l’intention illocutoire. Par-là, j’entends que l’intention d’une déclaration se construit dans un cadre systémique et ritualisé structurant un ensemble de mouvements interactionnels implicites. Ces mouvements implicites renvoient un ensemble symbolisé ( impensé et méconnu) construisant une survaleur que le récipiendaire se doit de comprendre dans un travail inférentiel, un travail implicite, impensé et impensable. Il serait donc intéressant d’employer un peu de phonologie. En effet, pensons à l’analyse des interjections chez Goffman, comme des expressions non lexicalisées mais transportant un sens social et interactionnel de part des traits prosodiques et tonals. Un sens social car elles légitiment l’agir par l’expression de son intériorité devant des témoins ( et non des acteurs de l’énoncé), par exemple lever les yeux au ciel et maudire par l’insulte notre mémoire, renvoie à une situation précise tout en matérialisant notre intériorité, ainsi, ceci vient construire une forme interactionnelle où je prouve mon acte ( faire demi tour) par l’expression de mon ressenti intérieur. De plus, nous pouvons étudier les prosodèmes, alors les éléments prosodiques permettant de (mieux) comprendre un énoncé produit par un locuteur, il est question du rythme, de l’accent, du ton, du débit ou encore de l’intonation. Ainsi, les prosodèmes sont une création de survaleur révélant des sens cachés ou l’intention réel du locuteur. On pense à l’ironie, au sarcasme ou à l’expression de la panique dû à un mensonge, révélé par un débit de parole trop élevé parfois. Plus encore, la façon de prononcer transporte des indicateurs sociaux d’une maîtrise linguistique représentative d’une « intelligence » et de « compétences sociales ». Une autre analyse qui me paraît judicieuse est celle des unités suprasegmentales, qui s’applique à un segment plus large que la voyelle ou la consonne. A l’instar des prosodèmes, on analyse le ton, l’accent… il s’agit plus d’une façon d’analyser que d’une notion à part entière. Je l’emploie car l’analyse interactionnelle suprasegmentale, si je peux le dire comme tel, ne se construit pas sur une analyse isolée d’un segment mais sur une unité plus large ( la phrase) impliquant de ce fait un cadre, un contexte de l’interaction. Analyser ce contexte dans une perspective phonologique aussi large, revient à analyser l’ensemble de l’interaction, ainsi, l’ensemble symbolisé qui en découle. Pour finir sur la phonologie, j’aimerais apporter la notion de phonématique à mon travail, comme l’analyse de la fonction distinctive des sons, révélant de ce fait une appartenance sociale ( classe, territoire et genre). La conscience phonémique plébiscitée par l’institution scolaire serait donc la capacité de distinction des unités phonétiques. Cette conscience est idéologique, l’expression d’une langue standardisée se veut doublée d’une accentuation nationalisée, de ce fait la conscience phonémique de l’enfant se construit selon un rapport capitalisé, où la langue d’état apparaît comme l’expression première et naturelle à défaut d’une langue ou d’un accent local où le locuteur compétent, au sein du marché dominant, se doit de maîtriser un jeu de distinctions phonétiques. Ainsi, le rôle du sociolinguiste dans une analyse en discours, serait de comprendre les attentes implicites de cette conscience phonémique, comme l’expression d’une forme de capital linguistique au sein du marché légitime. Pour le dire autrement, la conscience phonémique au sein du marché linguistique est une forme symbolisée où le locuteur doit maîtriser des capacités distinctives entre langue légitime, accentuations et prononciations ( et langues- question du plurilinguisme par exemple) marginalisées, de ce fait déploie un système de signes différenciés entre locuteur et auditeur. Ainsi, la conscience phonémique valorise un parlé standardisé sur des modèles phonologiques spécifiques et enseignables, c’est-à-dire normatifs. Plus encore, elle sert à marginaliser des milieux linguistiques divers ( langues non alphabétiques, plurilinguisme…), plus encore, la conscience phonémique est associé à une norme cognitive, un locuteur ne sachant distinguer deux phonèmes sera vu comme « retardé ». Le système éducatif français valorise la conscience phonémique en évaluant des élèves dès la grande section. Ainsi, ceci ce traduit par une volonté de standardisation des pratiques langagières, plus encore d’une volonté de performativité. Pour aller plus loin, nous dirons qu’il est question d’une technocratisation de l’apprentissage, alors faire du langage une compétence mesurable, plus encore réduire le langage à des composantes décontextualisées de ses dimensions sociales, de ce fait nous dirons que ceci vient naturaliser l’échec scolaire en niant la dimension normative du langage et en niant les pratiques de langages divers. Plus encore, le langage oral, par cette conscience de distinction, se découpe selon le modèle du français standard, sans prendre en compte l’évolution géographique des locuteurs. Les analyses structuralistes du langage ont mené à voir la langue comme un système de signes abstraits, analysables en unités autonomes et combinables, ceci a favorisé le processus de normalisation de la langue standard et légitime par une analyse technique niant une dimension sociale. Ainsi, je dirais que les prosodèmes entrent dans une conscience phonologique, où le ton, le rythme, etc… deviennent des cadres normatifs de l’interaction, et la conscience phonématique que nous avons développer, devient un élément technocratique où se déploie un ensemble symbolisé ( méconnu) qui construit la standardisation d’une langue qui se veut légitime. Pour reformuler, je pense que la conscience phonologique construit le cadre interactif, et la conscience phonématique sa valeur idéologique ( distinction et maitrise technique). Pour clôturer ce paragraphe et s’éloigner de la phonologie, j’aimerais dire succinctement l’intérêt de la notion de « transition démonstrative », elle se définit comme un moyen interactionnel par lequel le locuteur oriente l’attention des participants, en marquant un changement ou une évolution de l’interaction, elle remplit une fonction méta-linguistique, alors un moyen de faire comprendre ce qui se dit ou ce qui se fait. Ici aussi il est question de création de survaleur. En effet, elle sert en un recadrage de l’interaction, changement de sujet on glissement sémantique par l’emploi d’un démonstratif ( ce que je veux dire, etc…). Elle sert également à gérer sa face ou celle d’autrui dans une perspective ritualisée, par exemple par l’expression de la politesse ( Ce n’est pas pour te critiquer mais…). On pense également à la focalisation de l’attention ou encore à une production structurelle de l’ordre interactif, une structure logique qui permet la compréhension de l’auditeur et ainsi marquer des pauses sémantiques pour s’assurer de la bonne compréhension de son auditeur ( « ce que je voulais dire », marque une pause dans la réplique et ainsi, le locuteur s’assure, en regardant son récipiendaire, qu’il est écouté et compris). Ainsi le recadrage et la gestion des faces permettent au locuteur de construire sa réception dans le temps du dialogue. La transition démonstrative figure donc comme une stratégie interactionnelle ritualisée et systémique ( schéma bipartite), c’est-à-dire que le locuteur se sert des attentes conventionnelles en ratifiant son auditeur et en lui rappelant son obligation d’écoute, tant auditive que réflexive. Je dis que ceci permet la création de survaleur car le locuteur peut se servir de la transition démonstrative comme une « structure rituelle sous-jacente » ( Goffman), alors comme l’imposition d’une posture conventionnelle lui permettant d’imposer son récit et ses conclusions ( en m’assurant de ton écoute je te rappelle aux obligations du schéma bipartite, tu dois m’écouter car je t’ai ratifié comme auditeur).

Pour conclure sur cette partie de la plus-value linguistique, j’aimerais approfondir la notion de présupposé que nous avons introduit avec Bourdieu. Nous avons dis que les présupposés du marché linguistiques entraînent une construction identitaire, c’est-à-dire que penser la norme linguistique revient à la penser comme une économie où le locuteur devient un client doté, ou non, d’un capital linguistique compétent. Pour aller plus loin, nous dirons que les présupposés construisent le cadre interactionnel. D’une part, les présupposés que j’appellerais économique sont ceux de Bourdieu, alors la capacité d’auto-identification du locuteur au sein de la structure d’économique du langage. D’autre part, j’emprunte la notion de présupposé social à Goffman et laisse sciemment de côté celle de présupposé individuel que je trouve impertinente. Ainsi, nous mettons en place les notions de présuppositions économiques et celles de présuppositions sociales. La seconde notion renvoie à l’ensemble des séquences de mouvements interactionnels qui cadre ou recadre le lien entre un locuteur et son récipiendaire. Je me dois de revenir sur la notion que j’ai avancé, celle de conscience phonologique , nous la définissons dans la perspective goffmanienne, les interjections respectant les codes phonotactiques des mots dits réguliers ( le locuteur a une connaissance implicite de la formulation phonique des unités lexicales ou non-lexicales au sein d’un énoncé, de ce fait nous parlons de conscience phonologique, les interjections participant au cadre interactionnel au même titre que les mots réguliers). Je n’ai pas avancé le terme, mais je crois qu’en faire une composante du cadre interactionnel est nouveau, alors reste à l’état d’hypothèse. Un terme avancé construit une piste de mon analyse, celle de « noyau tonique », l’accentuation, la tonalité ou encore le débit de parole entraînent une orientation sémantique. La notion de conscience phonologique, plus large, nous permet de creuser ceci, alors le caractère participationnel des présuppositions. En effet, une présupposition fait l’hypothèse d’une codification, d’une culture commune ou d’une connaissance commune capable de se déployer dans le discours comme une donnée connue et reconnue. Il nous faut donc analyser le caractère contingent des présuppositions. Celles-ci se déploient dans un ensemble de références, antécédentes ou à venir, dans le discours de façon anaphorique ou cataphorique donc. Ce système de référence fait appel à un locuteur rétroactif, les présupposés construisent de ce fait des dispositifs interactionnels spécifiques au cadre antérieur au discours. En effet, les gestes paralinguistiques et la construction même de l’échange se verront structurés selon un dispositif antérieur ( ma façon de saluer ou encore de construire le dialogue se voie changée), « salut ! tu as aimé ton plat ? », indique un système référentiel implicite et intraphrastique où la construction syntaxique révèle une connaissance commune où les participants se lient à un espace pré-discursif plus intime, et alors les ratifie l’un et l’autre comme locuteur et interlocuteur. Nous dégageons alors un procédé de catégorisation, tant celui de  » procédé d’appartenance » par un  » groupage des connaissances » pour construire une séquence identifiable,  » je t’ai vu hier, tu as bien mangé ? », suppose une rencontre pré-discursive déterminante dans la référence qui construit l’initiation topique ou la ratification de son interlocuteur. Ou encore, se servir d’un système référentiel peut servir à créer une pertinence topique,  » A- j’ai mangé au restaurant hier/ B- d’ailleurs je t’ai aperçu quand j’allais à l’hôpital). Goffman m’a d’ailleurs réconcilié avec l’analyse des maximes de Grice, se résumant en des tableaux désignant les codifications du cadre participationnel, nécessaire à la réussite du cadre et des contenus participationnels. Goffman les analyses comme un cadrage de la pratique référentielle en liant normativement ses participants. Pour le dire autrement, elles sont des règles que le locuteur et l’interlocuteur respectent pour assurer la pertinence du sujet par l’évaluation d’une connaissance commune et de son traitement langagier ( bonne quantité d’information clarté, ou encore aspect véritable). Au sein de ces présupposés sociaux, une survaleur se créer dans la réception et le dispositif participationnel, mon présupposé suppose une réception favorable, du moins comprise par mon récipiendaire, qui souvent se doit d’être interlocuteur; – j’ai vu Robert / – Ah oui ! notre ancien professeur ? L’emploi du pronom indique une dimension égocentrique, c’est-à-dire un point de vu autocentré que le récipiendaire doit analyser pour comprendre qui est Robert, pour comprendre le présupposé, il doit connaître robert, sinon pourquoi lui en parler ? Et la réception doit se faire dans un cadre participationnel actif dans une « implication séquentielle » ( Goffman), c’est-à-dire que l’orientation du tour de parole se fait selon un contenu propositionnel antécédent ou à venir. Ainsi, nous parlons d’attention cognitive ( Goffman), construisant une interaction ritualisée par un dispositif de conscience phonologique. Pour le dire plus simplement, ou peut-être pour préciser, l’introduction d’un présupposé suppose un travail réflexif, le locuteur attend de celui-ci qu’il se matérialise en des marques de cognitions apparentes: réflexion (hum), exclamation ( ah oui !) ou gestes paralinguistiques ( dire oui de la tête). Le locuteur, grâce à un retour phonique, ( hmm hmm, pour dire oui), comprend son présupposé compris et intégré dans l’initiation d’un topique, d’un thème au sein de son énoncé. J’avance ici une hypothèse, encore une fois, je pense que se développe une conscience phonologique enchâssée, c’es-à-dire que les marques toniques du locuteur déploient une dimension inférentielle et égocentrique, le récipiendaire, lui, doit prouver sa réception et la contextualisation avancée pour la suite de l’échange. Pour simplifier, le noyau tonique de mon énoncé en tant que locuteur ( j’ai vu Robert, que je peux dire avec étonnement, énervement ou tristesse cadre le dossier mental où puise mon récipiendaire. Et inversement, la réception phonique, car on évite de couper quelqu’un qui explicite une anecdote, témoigne de mon écoute et de la trouvaille du bon Robert. rajoutons que l’accentuation construit l’environnement interactionnel, c’est-à-dire que mettre le ton sur un élément fait de lui une donnée nouvelle qui doit être analyser avec précision, et le dire de façon monocorde indique à l’auditeur que l’élément est connu et non spécifique à la reconnaissance de notre Robert. Ainsi, nos façon de parler ( pour le dire très simplement) et la réception qui en découle, sont ritualisées, c’est-à-dire systémiques, j’attend d’un énoncé une réaction pour prouver ton écoute et surtout sa bonne compréhension, de ce fait ils forment des présupposés économiques car construisent une économie cognitive qu’un locuteur compétent doit maîtriser ( une compétence qui se veut instinctive, comme l’exclamation, qui est ritualisée, systémique et interprétable). Nous appelons cela des signaux sociaux, ayant une fonction reconnue et acceptée au sein de l’échange. Pour résumer, une conscience phonologique enchâssée construit l’attente de signaux sociaux inscrit au sein de présupposés économiques, une sorte de marché linguistique des sentiments, instinctifs et naturels mais qui sont en réalité institutionnalisés, car construit dans un schéma conventionnalisée ( bipartite). Une stratégie d’euphémisation pour imposer une présupposition sémantique peut entrer en jeu grâce aux performatifs modaux ( Goffman), alors l’auto-évaluation de son discours, le locuteur est à la fois acteur et animateur de son énoncé comme le dit Goffman. Je reprend le terme de Goffman, « position », ainsi, les performatifs permettent la création d’une position euphémisante pour imposer « avec politesse » son intention sémantique:  » je pense avoir fait un bon résumer », présuppose une intention objective globalisante grâce au verbe modale « penser » et le déterminant indéfinis « un », sans expliciter directement sa subjectivité. Ici, la survaleur se construit dans le processus implicite, révélant une subjectivité cachée ou une volonté d’euphémisation pour éviter une réponse brute et agressive, le locuteur se construisant une position d’animateur distancié de l’énoncé. Pour reprendre sur le cadre participationnel hors des présupposés, il est intéressant d’analyser la capacité pour un locuteur de construire un procédé de tropicalisation ( de thématicité) pour construire une communication dominante et imposer un noyau sémantique où les références du locuteur sont au centre de l’organisation interne de l’énonciation. Pour le dire plus simplement, la façon dont le locuteur construit son propre système de référence, pour développer un thème qui créer une communication dominante ( locuteur) et une communication subordonnée ( interlocuteur qui répond selon le thème imposé). Ainsi, le locuteur premier est un initiateur topique ( ouverture de l’échange), le second doit rebondir et doit prouver la pertinence topique de ses interventions, comme le dit Goffman une pertinence conditionnée. en désignant son destinataire, et en refusant d’en désigner certains, le locuteur détermine des conditions phoniques limités, de ce fait construit un auditeur modèle ( ratifié). Goffman appel ceci la pratique de substitution, alors un énoncé adjacent d’un même locuteur ou d’autres locuteurs reprenant la parole d’un tour précédent ou sur le temps même du discours. Se déploie donc un caractère contingent que le locuteur premier peut utiliser comme stratégie hiérarchique ( position haute). Evidemment, ceci n’est pas immuable, au sein d’un groupe peut se développer des communications subordonnées ( ce que Goffman appel un aparté), et peuvent devenir une source référentielles au sein de la communication dominante ( le locuteur peur rebondir sur un sujet qu’il considère comme pertinent dans son propre système référentiel). On pense également au choeur goffmanien, comme le développement d’échanges entre les tiers d’une discussion dominante qui se délie de celle-ci et s’autonomise. Pour finir, on pense à  » la rupture réflexive du cadre », alors la reprise référentielle imprévue de l’interlocuteur ( parler d’un élément paralinguistique en feignant de ne pas avoir saisis l’élément linguistique), ou alors une façon pour le locuteur d’appuyer sa réponse ou pour construire un procédé de préclôture et ainsi, gérer à la fois l’ouverture topique et la fermeture de l’échange ( Parler et d’un coup regarder sa montre et partir en disant à son interlocuteur qu’il est tard, par exemple).

4. La volonté de vérité

Cette dimension immuable est à analyser autour de la notion de vérité. Ainsi, nous emploierons la notion de volonté de vérité chez Foucault au regard de l’hégémonie culturelle (Gramsci). La vérité s’inscrit comme une institution, et ce depuis les rhéteurs grecs, en passant par Kant et les thématiques du devoir et de la morale comme indiscutables et immuables. La vérité s’installe, à l’instar du devoir, comme le résultat de normes et institutions. La vérité comme institution a entraîné une autolégitimisation et justification des institutions libérales : justice, police, état… De cela, nous mobiliserons les «  conditions de félicités » de Searl, alors l’ensemble des conditions de réalisation des énoncés performatifs. Ces énoncés se définissent comme une action directement accomplie dans le fait de dire, par l’acte de parole dans un contexte bien particulier, c’est ce contexte que nous analyserons au regard de la notion de Foucault. Les locuteurs dans les énoncés performatifs doivent respecter un rôle et un contexte, si je ne suis pas juge je ne peux dire «  je vous déclare coupable », ma voix aurait peu d’importance pour le geôlier. Ainsi, ces conditions essentielles à la réalisation de l’acte de parole s’inscrivent au sein même du pouvoir institutionnalisé. Et ce pouvoir hégémonique s’est construit un ensemble de processus de contextualisations et de légitimations que l’acte de dire symbolise, vient sceller. Ainsi, la parole véritable se construit autour des institutions et normes que le langage symbolise. Alors le langage et les expressions du langage dans une logique aux « conditions de vérités » nous parviennent comme immuables, indiscutables. Une pré-construction socio-historique dans le discours qui autorise l’acte de parole en transportant une légitimé de voix et une légitimé d’écoute. Cette pré-construction nous la nommons l’institution bourgeoise (espace temps du discours, rôle, légitimité et contexte). Le même monde qui met une perruque et une toge pour construire un contexte d’autorité à la Vérité discursive, nous définirons cette dernière comme les mécaniques de contextes précis légitimant le langage dominant.

Cela nous renvoie au monde du travail, devenu une religion aux prophètes de la langue-travail. Les codes langagiers lors d’un renvoi, d’une embauche, du pointage, de l’arrivée ou du départ, alors comment le langage est usé pour devenir stratégique, économique et symbolique de sa hiérarchie, ou encore comment il est utilisé comme cadre de vérité indiscutable, comme le dit Foucault, « un jeu de pouvoir et désir ». Ceci nous renvoie à notre notion d’hédonisme de consommation, alors comment le langage-travail devient un acte de socialisation au consumérisme (alors au travail), plus encore un acte de symbolisation implicite que le langage inscrit en l’individu.

La Pragmatique, par la contextualisation de l’énoncé, comme l’installation d’une volonté de vérité, vise l’exclusion de la pensée libre des codes et symbolisations au travail. Là réside la part de destruens et de construens vitales à l’idéologie néo-libérale, qui autour de la notion de mémoire discursive, accole au mot un système référentiel immuable en faveur de cette socialisation narcissique. Une construction de contextes, hiérarchies, espaces, temporalités et codes institutionnalisés qui légitiment ou délégitiment l’acte de parole « véritable ».

5. Capitalisme affectif et processus de spectacularisation

Eva Illouz définit les principes et valeurs de nos sociétés comme conséquences du système capitaliste. Ainsi, comme Lipovetsky le théorise avec les procès de personnalisation et de sacralisation, la part fantasmée d’une nouvelle socialisation narcissique, qui délie l’individu de la société. On pense aux valeurs d’autonomie, de responsabilité et d’individualisme, entrant dans le schéma socialisant au consumérisme, ainsi désunifier l’individu de la société. Plus encore, le faire entrer dans une routine hyperindividualisée se traduisant dans ses pratiques sociales, gestes, habitudes et de langages. Ceci construit une homogénéisation de la construction identitaire, comme le dit Lipovetsky la désertion de la société de l’individu par hypersollicitation. Cette dernière résulte du système des besoins mais aussi de par l’aspect ultra-individualiste de nos sociétés, la communauté n’étant plus une accroche à nos constructions. Illouz analyse ceci comme une neutralisation de l’individu, au contraire, je pense que les vertus capitalistes : rigueur et autonomie résultent d’une homogénéisation certes, mais celle-ci est l’ultime stade du pulsionnel, une sorte de processus de spectacularisation de soi. Le capital va donc jusqu’à créer une identité fantasmée de soi qui couvre toutes les aspérités. Nous dirons que la société capitaliste à fait d’un individu pulsionnel un individu passionnel (passion-passivité) par hypersollicitation. Ainsi, le langage se construit dans une économie resserrée, sociale et libérale, où les habitus des individus se révèlent être une sacralisation identitaire.

Marx dit de la marchandise qu’elle est hors de l’individu. Avec cette nouvelle socialisation au consumérisme, la marchandise s’est matérialisée dans les émotions de l’individu. Nous appelons cela les “marchandises émotionnelles” (Eva Illouz). Les marchandises deviennent des expériences, des produits émotionnels venant légitimer l’acte consumériste. Les idéaux culturels bourgeois ont entraîné une configuration sociotechnique des émotions, une couleur, un tissu ou une forme révéleront différentes perceptions, de soi et de environnement. Il suffit de penser à la pub, où la langue axiologique est telle que l’on fait face à une emphase sentimentale, passion, renouveau ou encore vitalité. Le consumérisme est devenu une expérience du moi libéral. L’objet est symbolisé chez notre narcisse moderne qui voit la marchandise avant tout comme un acte empirique, un rapport double entre soi et les éléments sociologiques qui forment ses besoins. Comme le dit Illouz, “la vie intérieure [doit êtres envisagée] comme une vie organisée par des actes sociaux et langagiers”. Elle insiste sur l’apparition de nouvelles idées, comme l’authenticité ou l’intimité. Celles-ci définissent l’individu autour d’un noyau psychologique qui le désunifit de la société, une expérience d’un moi émotionnelle profond dans un jeu pulsionnel des besoins. Un jeu qui révèle une essence sociale, où l’objet est symbolisé comme une part de soi, comme une représentation de soi. Il en de même pour le langage, la marchandise intériorisée par le rapport aux émotions comme expérience économique, il se construit comme un marché stratégique où l’émotion est au centre du dispositif sémiologique. En effet, la langage et ses actes non verbaux vont se symboliser dans un ensemble d’émotions stratégiques, comme l’authentique ou l’intime. Ceci permettra au locuteur de construire une stratégie rhétorique dans un marché linguistique des émotions. Il en est de même pour les institutions bourgeoises, l’émotion est au centre du dispositif sémiologique, lié à plusieurs champs culturelles, politiques… au centre se fixe une stratégie de marché où l’émotion construit un rapport direct au consumérisme. Consommer un discours, consommer un objet… peut importe l’objet de sa consommation, l’expérience de l’émotion prime. Une émotion travaillée par une sémiologie libérale. On peut penser à la timidité d’un locuteur construisant une autocensure face à sa dévalorisation devant le marché linguistique et un manque suposé de capital culturel. L’émotion se construit au regard d’une norme culturelle et économique construisant des habitus et une position socialement déterminée. Plus encore, l’étude des sentiments s’est institutionnalisée, la psychologie et autres sciences « psy » ont créé des rites d’institutionnalisations des émotions, homogénéisant l’individu et ce qu’il doit penser en contexte ( revenons aux énoncés performatifs, l’émotion forge la décision car le lieu est socio-structurant). Une homogénéisation qui produit le système consumériste en manipulant une émotion par des actes institutionnalisés que l’entreprise consumériste construit dans son dispositif sémiologique. Plus encore, comme nous le verrons dans la dernière partie, le système dominant créer un fantasme du milieu. le système capitaliste déploie une économie linguistique des émotions, où les thématiques de la nature servent un processus de naturalisation de l’expérience libérale. Pour le dire autrement, le système culturel dominant construit un discours purement réactionnel, qui vise l’expression des sentiments brutes, comme s’ils étaient dénués d’institutionnalisation et de rites d’institutionnalisations ( L’enfance par exemple), qui ne pense pas le langage dans sa forme politique . Un discours teinté d’un présupposé bon sens, qui se veut respectueux des codes et idéologies bourgeoises. Ainsi, le discours politique libéral se dépolitise au profit d’un jeu pulsionnel où l’émotion prime. Une émotion construite autour du sème de la nature, de l’authenticité, de l’équilibre qui se veut une opposition fondamentale aux formes violentes du langage et autres expressions politiques. Une stratégie de la neutralité construisant son réseau idéologique dans un parcours naturalisant, où la psyché de l’individu est vu comme un noyau socio-constructeur. Nous lions ici les marchandises émotionnelles autour de la thématique de l’authenticité explicité par Ilouz avec la protodoxa de Bourdieu. Celle-ci se définit comme un modèle fantasmé, un culte de la masse, où l’euphémisme du discours libéral, l’émotion juste dénuée de polémiques violentes, vient la construire comme soumis à l’ordre établi. Il suffit de penser à l’imaginaire du bon peuple, ni violent, ni bavard, il est rationnel au moment où il se construit soumis. On pense également à la  » classe modeste » ou  » classe moyenne », des procédés d‘euphémisations émotionnelles visant l’épanouissement économique au travers d’un langage se voulant « rationnel ». Cette rationalité, on l’analysera comme un processus de moyennation visant la dépolitisation du discours libérale, se répétant en des schémas identitaires protodoxales, que l’individu intègre dans des habitus renouvelés par un imaginaire socio-constructeur, c’est-à-dire socialement déterminé où l’expérience transcendantal du groupe devient un mécanisme presque naturel, qui n’est donc plus pensé dans son conditionnement socio-historique. Le capital, à travers un langage-expérience ( émotions), veut la naturalisation de l’ordre social, alors la naturalisation de l’exploitation capitaliste dans un dispositif rationalisé, ce dernier construisant l’aliénation par la dépolitisation. Ainsi, il est intéressant de mobiliser de nouveau notre notion de mémoire discursive et celle de démémoire discursive. En effet, la volonté naturalisante des procédés mécaniques du système économique capitaliste, se matérialisent en un lexique scientifique où l’objectivité prime. De ce cela, nous dirons qu’un fait rationnel se donnera comme neutre et apolitique, un travail sémiologique du système libérale visant l’épanouissement hégémonique de la classe bourgeoise. En discours, un locuteur qui se coupera ou se fait couper, pour assoir une légitimité dans le marché linguistique, donnera un élément construit comme objectif ( histoire, économie…), comme indiscutable, ainsi construira un mécanisme politique comme naturel, où le véritable se déploie dans un jeu de sens hégémonique.

Ainsi, se développe un capital éthique ( Bourdieu), alors l’ensemble des valeurs morales déterminées. De cela, nous dirons que se développe un marché linguistique des émotions, comme le dit Eva Illouz une économie des émotions, nous rajoutons: une économie des émotions dans un jeu pulsionnel. Le rapport à l’intimité, à l’authenticité revient à construire un individu centré sur soi et son bien-être, au sein de la socialisation au consumérisme, écouter son fort intérieur revient à se laisser au pulsionnel du système des besoins. Un système symbolisé, méconnu, où l’individu pense combler un besoin intérieur alors qu’il n’est qu’une construction déterminée. Les émotions sont de ce fait performatives, elles s’inscrivent dans des contextes particuliers, dans des champs multiples où les sciences des émotions ( psychologie ou développement personnel) homogénéisent les émotions en une économie de la consommation ( système des besoins) entraînant ce que Lipovetsky nomme un hédonisme de consommation.

Pour aller plus loin, je fais l’hypothèse que se développe un capital éthique ( Bourdieu) lié à une économie des émotions. Le capital éthique, que nous définissons comme l’ensemble des valeurs morales d’une société donnée, nous l’analyserons ici au prisme de l’individualisme pulsionnel libéral. Il suffit de penser à l’importance de la relaxation dans nos sociétés comme opposition au stress et à l’anxiété du monde du travail. Il est important de rappeler, que le stress est une invention post seconde guerre mondiale reprise par le capital au service d’une « meilleur production ». Le capital éthique est un capital affectif, où les émotions deviennent des marchandises d’un moi profond construit par l’individualisme libéral. Se développe une économie affective, un capital affectif où l’émotion devient une socialisation au moi pulsionnel, à l’hédonisme de consommation. Il suffit de penser aux vacances relaxantes, l’individu doit se détacher du monde quotidien pour trouver le bonheur par la consommation de divertissements, grâce à un capital économique. De cela, nous dirons que que tout ceci revient en un capital symbolique où l’éthique de l’émotion revient en une reconnaissance de l’institution capitaliste, où le marché des émotions reconnait l’individu en accord avec son moi profond. Il faut aussi parler du rapport émotion-travail, l’on passe du cadre objectif au cadre subjectif dénué de condition socio-historique. La rationalisation de l’individu moderne, alors l’homogénéisation par la subjectivité des émotions, construisent un homopsychologicus en retrait des questionnements politiques, sociaux et historiques. Les sciences « psy » ont créent un individu ancré dans une économie affective où l’hédonisme se révèle être un jeu pulsionnel de consommation révélant un capital éthique ( valeur moral du bien-être) dans un ensemble symbolisé ( être reconnu par les institutions, travail et famille par exemple) dans un cadre spatial et temporel retravaillé qui profite à l’aliénation par processus de déréalisation. Pour résumer plus simplement, le capital éthique est un moyen de se faire reconnaitre comme membre d’une institution, celle-ci se révélera faire partie d’un capital symbolique ancré dans le besoin de reconnaissance du monde néolibéral. L’individu authentique et rationnel ( capital éthique, les valeurs morales libérales forgent l’individu) doit mettre en œuvre son bien-être pour se faire voir,  » je suis allé à la campagne me ressourcer, je n’ai jamais été si productif » ou  » j’ai été deux semaines à la mer, je me suis enfin trouvé », le rapport aux valeurs capitalistes sont souvent liés à un espace déterminé, car les conditions spatio-temporelles déterminent l’existence sociale des individus. Le mode capitaliste joue entre l’immatériel et le matériel pour construire un individu qui symbolise un pulsionnel consumériste, l’objet devient une source d’émotions immatérielles. Et plus grave encore, le rapport émotion-travail qui révèle une marchandisation des émotions, avec le travail-passion ou encore  » les gentils employés » du club med, un exemple plus que parlant de la place d’une subjectivité émotionnelle rationnalisante ( Rejeter le mal-être du travail sur l’individu par un jeu axiologique qui le délie des sa condition économique et sociale par un rapport à l’intériorité « psy », si tu ne vas pas bien c’est surement que tu ne t’en donne pas les moyens) dans un système objectif et socio-structuré. Ainsi, l’ensemble des valeurs capitalistes ( authenticité, naturel, rigueur ou autonomie) forment un capital éthique où l’émotion joue un rôle économique dans un jeu pulsionnel construisant un narcisse moderne aliéné ( hédonisme de consommation). Pour finir, je dirais que l’authenticité comme valeur capitaliste, comme part du capital éthique se déploie dans l’espace discursif et créer un ethos naturel où la parole du locuteur n’est pas remise en question. Le capital éthique permet de symboliser son capital linguistique et d’imposer un dispositif sémiologique véritable ( naturel et authentique), de ce fait sa parole s’impose comme cadre de vérité.

Cette notion de capital éthique est essentielle dans l’analyse économique des sociétés néolibérales. Le capital a mené un travail sémiologique et sémiotique entre les émotions et leurs valeurs. Ainsi, s’est développé un utilitarisme émotionnel, de cela nous dirons que l’émotion est performative. En effet, les processus scientifiques des sciences psy ont entrainé une réification de l’individu par une homogénéisation des émotions par un affect construit comme naturelle. Par-là nous entendons qu’est privilégié une expérience subjective et son expression dans un ensemble culturel symbolisé. De ce fait, l’émotion devient un capital ( affectif) qui permet à l’individu de définir son appartenance à une société déterminé ( profit de distinction et capital culturelle). Ce savoir émotionnel se développe par une connaissance des sciences psy, plus encore des sciences psy positives ( développement personnel et self-made), un privilège économique et culturel. L’émotion est performative car elle se doit être mobilisable en contexte. Ce contexte nous le lions à un capital éthique où l’individu doit prouver une authenticité rationnalisante, alors une pratique de socialisation d’un moi autonome et naturel. Se développe un marché des émotions où l’individu doté d’un capital culturel et affectif nécessaire se servira de d’un capital éthique pour se distinguer en affirmant son appartenance à la société néolibérale. De cela, à l’instar des rites d’interactions de Goffman, nous disons que se développe des rites d’émotions institutionnalisés. Ces rites sont produit et reproduit par les institutions libérales, où la subjectivité et l’expérience intrinsèque prévaut sur l’objectif. Plus encore, cette éthique autonome forme un relationnel intersubjectif où le rapport à l’autre se construit sur une économie des expériences plutôt que sur un système objectif et ses structures sociales. Le moi profond n’est qu’une construction émotionnelle que nous lions au pulsionnel, une structure affective ( d’expérience) institutionnalisée. Ainsi, le marché linguistique des émotion se double d’un capital éthique, où l’expérience du moi prime sur les structures objectives. Ceci permet la construction d’un individu pulsionnel, où l’expérience d’un moi profond est privilégié. l’émotion se lie de ce fait à une identité morale et sociale qui se tourne vers le système consumériste des besoins. La psyché du moi profond se symbolise en la matérialité de l’objet esthétique, esthétique d’un pulsionnel comblant le moi libéral. Ce moi libéral se caractérise en un capital éthique, où les valeurs d’authenticités libérales valent comme une superstructure pulsionnelle, s’améliorer constamment, chercher le bonheur constamment, le tout dans une quête sempiternelle où la consommation se construit comme la symbolisation d’un capital économique où la perception de soi flatte la psychologie positive ( autonomie, self made, réussite…). Ainsi, le capital construit les émotions au travers de la subjectivité des individus, en légitimant une économie des expériences les liant de ce fait au pulsionnel. La dite rationalité libérale n’est que le rapport intrinsèque du moi profond à l’environnement social, alors le développement d’un narcisse hédoniste qui voit dans les sciences psy positives la légitimation de l’industrie du bonheur, où la marchandise, au sein du système des besoins capitalistes, lui permet d’accoler une valeur d’échange émotionnelle à l’objet qu’il matérialise comme esthétique de sa psyché. Pour le dire plus simplement, l’émotion forme une économie des valeurs où le narcisse moderne, ultrasubjectif et construit en opposition des rapports objectifs, voit son identité morale et sociale lié à la consommation dans une structure qui le pousse au pulsionnel Ainsi, les marchandises émotionnelles symbolisent un moi où le capital éthique( authenticité, culte de la nouveauté, de l’immédiateté) légitime l’hypersubjectvité d’un individu, le poussant au pulsionnel, que nous définissons comme une superstructure émotionnelle institutionnalisé ( conséquences de l’ensemble des émotions produites par le système néolibérale) se liant au capital éthique. Le rapport intrinsèque du moi délie l’individu de la société, et le comblement de ce moi améliorable et positif passe par le rapport à la consommation du fait de la construction d’un individu à l’éthique capitaliste ( mode, nouveauté, immédiateté, symbolisation de la marchandise et hédonisme). Sa consommation forme l’esthétisation de sa psyché, alors jouer avec les besoins d’un moi profond hédoniste, où la marchandise se voit fantasmée comme solution à l’entreprise du bonheur et comme réponse à l’autonomie d’un individu solitaire et désunit de la société. Voilà pourquoi, pour moi, il est fondamentale de maitriser cette notion de capital éthique, car elle construit la subjectivité libérale et la construit dans un rapport consumériste.

Pour aller plus loin, nous parlerons succinctement de la société du spectacle de Debord et des aboutissants autour de la notion de quotidien. Ce processus de spectacularisation nous le tenons de Debord qui analyse la société de consommation comme une société du spectacle. L’individu est transformé en un citoyen acheteur, et sa consommation est poussée jusqu’à la déréalisation complète de son environnement. Vivre au travers du pulsionnel ne permet pas l’usage, le quotidien, au contraire c’est le spectacle qui compte et le système capitaliste promeut cela. Nous pensons à l’art, par exemple aux œuvres fictionnelles qui par catharsis font de la fiction un élément de déréalisation, créant un individu héros-aventurier vivant tout trop fort. Ce processus de spectacularisation passe par le pulsionnel, alors par la consommation, dont celle des arts et du langage ; la langue n’est pas une simple capacité humaine, elle devient un élément de socialisation pulsionnel, le langage est révélateur de la vitesse, des modes et mouvements éphémères de la société de consommation. Ainsi, il doit retrouver une certaine lenteur, une esthétique du quotidien balayant l’ultra individualisme du « moi aussi », car l’adverbe est révélateur, nos agissement sont des constructions sociales non des actes singuliers dépourvues d’influences. Ce processus passe par la mise en scène du langage, alors les procédés mécaniques et physiques révélant un ensemble langagier du trop plein, où l’acte de parole doit se faire dans un ensemble symbolisé. Ainsi, l’agir stratégique semble primordial pour comprendre les interactions entre individus dans une société capitaliste. Le processus de spectacularisation c’est aussi un moyen de déréalisation de son environnement de travail, la startup-nation emploie des collaborateurs pour ses projets! Ou, la bourgeois et ses actionnaires exploitent le prolétariat par le salariat. La déréalisation est un fléau, un acte aliénant. On ne voit plus son travail, on le symbolise grâce aux anglicismes qui romantisent la servitude.

6. La racio-linguistique: une socialisation au travail

Le travail est un espace social, les minorités ethniques dans un monde bourgeois blanc sont perçus, au sein de cette espace, comme des êtres à éduquer. Le travail devient un espace éducatif, où l’on instaure un langage normé et empli d’idéologies au travailleur à en devenir. 

Pour parler plus particulièrement de la notion de racio-linguistique, le langage est perçu comme une capacité humaine, la personne racisée étant vue comme inférieur à la personne blanche, il est désigné comme incapable de langage. Plus encore, tout ce qui dévie des normes langagières en place sont construites comme inférieures à la langue nationale, ce qui nous renvoie à la notion d’impérialisme linguistique. La domination du langage comme colonisation bourgeoise est primordiale pour le capital. Le langage est un système de domination libérale et capitaliste, où le travail est vu comme une composante fondamentale dans les processus de socialisation et de symbolisation discursive. Il est intéressant de mobiliser les différents xenolangages (créole…), comme déviance d’une langue nationale et normée pour se réapproprier la langue hors des sphères hégémoniques.

Ainsi, on pense aux ateliers qui “aident” “les gens de  banlieues” à “ bien parler”. ce bien parler c’est le langage d’entreprise, celui qui efface les diversités linguistiques pour faire de la langue normée un outil de socialisation au monde consumériste. Les personnes racisées étant perçues comme inférieures et incapables de travailler, l’ensemble des présupposés racistes de la société bourgeoise font du travail un espace linguistique éducatif  symbolisant les processus libéraux. La langue est donc un identificateur racial où le travail se construit comme une marque de socialisation à la norme bourgeoise. 

Pour revenir plus précisément sur notre notion de marché linguistique, comme nous l’avons explicité, une clientèle se forme autour d’une économie des valeurs institutionnalisées. Ici, se déploie une économie des valeurs identitaires plus grande encore. Le porteur des signes d’une ethnie, ces mêmes signes sont construits autant par le porteur que par la société, développera son identité en rapport à ce même marché dominant. Nous pensons aux représentations mentales qui figent des processus de sens, on pensera tel personne avec telle culture, ou telle langue. Je dirais que la volonté de rupture de cette identité est paradoxale, il y a à la fois l’agent antinomique se construisant en connaissance totale et absolue de l’identité qui lui est assignée. Il acceptera une domination institutionnalisée, pensons aux familles immigrées qui interdisent l’usage de leur langues natales à leurs enfants. Cet agent se développera dans une marché auxiliaire, dans une rhétorique extrême et dominante où l’hypercorrection et l’usage de la norme dominante prélaveront sans pour autant être pleinement intégré du fait des représentations dominantes. On pense également à l’agent confirmateur, qui se construira dans une posture de confirmation de l’identité assignée, c’est-à-dire reconnaître la domination d’une culture hégémonique, de ce fait son infériorité présupposée par ce même système. Dans les deux cas, l’adhésion à l’identité première est complète du fait d’une opposition ou de ce que j’appelle une confirmation. Ainsi, le marché linguistique impose une domination symbolisée où l’identité ethnique, ou encore pensons au régionalisme, se construit, au sein de l’individu, comme un rapport paradoxale dyadique de soi et d’une hégémonie que l’on essaie d’intégrer par l’opposition ou l’assimilation des codes institutionnalisés. Je dis intégrer car s’opposer pleinement au système dominant, du moins se dire et construire son identité par rapport à cela revient à confirmer les rites d’institutionnalisations ( écoles par exemple) visant l’imposition d’une culture se voulant hégémonique. Construire une identité antinomique au système sans prendre en considération l’espace socio-structuré et socio-structurant qu’il forme revient à ne pas repenser réellement son identité à l’opposé du système, mais plutôt avec les codes de ce même système qui s’est construit comme dominant.

7. La topolinguistique*

Cette notion a été théorisée par Laurence Delperie, chercheuse en sociolinguistique.

Ce passage sera court, juste une simple contextualisation. La topolinguistique c’est la linguistique des lieux, quand on pense la géographie des villes capitalistes comme des labyrinthes consuméristes, les places publiques sans blancs ni arbres, pour pousser au mouvement et jusqu’à interdire judiciairement le statique, le langage des lieux poursuit donc cet ensemble symbolisé. Les bruits, interactions et matérialisation des corps dans l’espace sont des impensés linguistiques qui transmettent des idéologies libérales. La parole pour attirer, pour consommer… la voix des villes c’est celle du mouvement, de l’actif et de l’inarrêtable activité consumériste, “on fait quoi maintenant ?”, implique un passage de la voix au corps, jusqu’à la symbolisation constante de la consommation comme un agir palpable venant ravir notre narcisse moderne.

8. savoir nommer

Le riche n’est pas celui que l’on hait, le riche n’est pas oppressé ou discriminé. Mettre un article, “le”, ne fait pas de toi un individu discriminé. Cette tendance à la haine anti-riche provient d’une stratégie plus grande, de dépersonnification du capital, il n’y a pas de classe dirigeante, pas de patrons ou d’entreprises responsables, il y a un monde, il y a l’économie. Pas une économie, elle est l’économie, comme dit Le Maire, “notre économie”, pour ne pas dire capitalisme. L’ensemble des milieux sont manipulés, universitaires, ouvriers ou cadres. Ces manipulations de dépersonnification servent à légitimer une mondialisation perçue comme naturelle, presque logique dans une perspective de compétitivité, élevée à une sorte de projet sacré, du moins rendu positif quand les cotisations sociales deviennent des “charges patronales”. Car oui, c’est le patron qui prend des risques, pas celui qui ne sait pas travailler pour sa bourse. 

Le monde des possédants est le monde des puissants, pas celui des travailleurs. Le capital exploite, vole et use du verbe par les médias ou antérieurement par l’église, pour justifier une idéologie qu’il entérine sous un tas de propos naturalisant. il n’y a pas d’idéologie, ce qui n’est pas capitaliste et libérale est radicale et extrémiste, sous-entendue déraisonnable. 

Mon discours est perçu comme d’extrême gauche du fait que ma théorisation anti-capitaliste, ainsi vu comme déraisonnable, j’emploie le terme de bourgeois, de riches, de patrons, et surtout je nomme mes ennemis.

Plus encore, il faut élargir le terme de bourgeois. Comme des sous-bourgeois, ceux qui alimentent les idéologies capitalistes sans pour autant avoir le pécule de classe. on pense aux libéraux et leur lexique de riche, charge, compétitivité ou chance pour nous les pauvres qui faisons des études… liste non exhaustive. Il n’y a pas de classe moyenne, il n’y a qu’un prolétariat, et une bourgeoisie, non ce n’est pas daté et gauchiste de dire cela, c’est au contraire une façon de nommer judicieusement son ennemi. Il y a différents capital, culturels, linguistiques, affectifs ou encore intellectuels mais il n’y a qu’une classe à son sommet, qu’une masse laborieuse à sa base. c’est justement ce lexique déréalisant qu’il faut chassé par une simplicité du quotidien, retrouver un rapport au réel que le capital délie par son vocabulaire. Il n’y a plus de hiérarchies, seulement des “managers”, des sortes de coach à la résilience du burn-out, ou encore  les “ressources humaines”…

L’argent comme valeur des valeurs (Marx), c’est d’une part la honte sociale, de l’autre un conglomérat de qualités. L’argent comme valeur suprême lie  l’individu à des qualités humaines, car le peuple est vil et démunis. Ce procédé axiologique se retrouve dans la langue, on pense au patois, la langue du peuple perçue comme sale et la langue commune, française vue comme élégante et vertueuse. Ces qualités sont intellectuelles, morales ou sensorielles, le peuple est lui une classe populaire flou et remplie à craquer, se battant dans des hlm. 

Par processus de moyennisation, le cadre de vie, les habitudes et façon de se nommer se veulent normaux. On va jusqu’à faire du moyen, du milieu l’étendard de soi et des nôtres. Maison de banlieue, salaire moyen, condition moyenne et surtout apparence moyenne pour ne pas paraître pauvre. Les téléfilms, les arts… on pense à la famille classique, maison et trois enfants avec labrador qui joint les fins de mois avec courage et discrétion pour son voisinage. Le milieu c’est la règle, neutralité politique, apolitisme et sans extrémisme, le milieu c’est la norme, la norme c’est le capital, alors l’argent en surplomb on se dit “classe moyenne”, inférieur ou supérieur au choix du 0 qui complète la fiche de paie. 

Trêve de sarcasme, la façon de se nommer est profitable au monde capitaliste, et la façon de voir le monde et soi-même construit notre rapport à la société de consommation, l’individu se condamne par un langage libérale construit par la déréalisation du processus de spectacularisation, l’homogénéisation qui en résulte profite au mythe du moyen, du milieu. Plus encore, par déréalisation et décontextualisation, tout devient complexe et la plèbe devient un ensemble incapable et irresponsable. La responsabilité incombe à la bourgeoisie qui visiblement sait parler à une classe moyenne auquelle le prolétariat se rattache par honte de la pauvreté. On organise tout selon des “projets”, prêts à évoluer, à consommer de façon constante et éphémère. Et on laisse les projets rendus complexes par des processus presque naturels,”mondialisation” ou “globalisation” aux autorités “compétentes”. Ce terme de compétence entre en résonance avec les idéaux libéraux comme une mise en concurrence constante, profitable à la bureaucratie bourgeoise. Une action en entraînant une autre, et par effet de boule de neige, tout est trop complexe. Comme le dit Borne, pas besoin d’être spécialiste quand on est ministre, pas si compliqué ? Laissons ça aux agents du réels qui vivent et connaissent leur quotidien. Le patron ne fait pas tourner une entreprise, il possède les fruits du travailleur. 

Conclusion

Pour conclure, nous dirons qu’il est primordial de voir le langage comme une composante de l’aliénation capitaliste, alors de l’analyser comme une notion d’économie politique. Le langage révèle les habitus des individus, plus encore en développent, construisant un rapport au monde, un rapport à soi et transmettant des référents idéologiques qui s’ancrent et ne sont pas remis en question. Le langage comme identificateur et comme transporteur d’Hégémonies, d’idéologies doit être repensé et reconstruit à l’instar de l’économie capitaliste. Nous avons défini le langage comme un pouvoir symbolique, ayant les capacités de se faire méconnaître, faisant ainsi sa force aliénante. Il se complaît dans un travail inférentiel incorporé dans le locuteur-auditeur par des habitus influencés par une multiplicité de champs institutionnalisés (histoire, politique, classe…).

  • * Delpérié, L. (2023). Valorisation linguistique, tourisme et reconnaissance(s): une approche sociolinguistique critique en contexte autochtone : le cas de la communauté de Mashteuiatsh au Québec. Thèse de doctorat, Université d’Ottawa/Université Grenoble Alpes.

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