Comment analyser le mouvement des plénums en Serbie ?

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Lucas Skalski
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Tout d’abord, revenons brièvement sur l’historique de la mobilisation. Le mouvement a débuté après l’effondrement du toit de la gare de la ville de Novi Sad, le 1er novembre 2024, provoquant la mort de 16 personnes. Les étudiants ont dénoncé la corruption, la négligence et l’opacité du gouvernement, notamment dans la gestion du chantier de rénovation de la gare, chantier bâclé, aux financements obscurs. En réponse, le pouvoir nationaliste du président Vučić a été ébranlé par une vague de manifestations massives réclamant des comptes. Comme souvent dans ce genre de situation, les autorités ont réagi par une répression brutale : arrestations arbitraires, violences policières, usage de canons sonores… L’appareil politico-répressif de la bourgeoisie a été déployé sans retenue, sous les yeux complaisants de l’Union européenne, qui a préféré préserver ses bonnes relations avec le régime en place malgré les nombreux scandales.

Mais malgré cette répression, le mouvement ne s’est pas essoufflé. Il a tenu plusieurs mois, en évoluant au fil du temps. À l’origine essentiellement étudiant, il s’est rapidement structuré autour de formes d’auto-organisation appelées plénums : des assemblées horizontales, ouvertes à tous les étudiants, organisées dans les universités. Ce modèle, déjà présent dans les Balkans (Bosnie, Slovénie, Macédoine du Nord…), s’est imposé comme une réponse démocratique et populaire à l’impasse institutionnelle.

Puis, à partir de mars 2025, le mouvement entre dans une nouvelle phase. Les plénums dépassent les murs de l’université et s’étendent à la sphère locale, dans les villes et communes de Serbie, sous la forme de zbor, un mot qui renvoie à une tradition ancienne, lorsque les habitants d’un village se réunissaient collectivement pour faire face à un problème. C’est donc une forme de démocratie directe enracinée historiquement, qui réapparaît aujourd’hui dans un contexte de crise démocratique. À travers ces zbor, les habitants cherchent à se réapproprier l’espace public et politique, face à un système représentatif verrouillé au service des classes dominantes.

La dernière phase, encore récente, est celle de la radicalisation des modes d’action. Les manifestants n’ont pas hésité à bloquer plusieurs avenues de Belgrade et d’autres villes, parfois avec des barricades. Fin juin, environ 140 000 personnes ont bravé la répression dans la capitale. Face aux matraques et aux gaz lacrymogènes, les manifestants ont répondu par des jets de bouteilles et de fusées éclairantes. Si ces évènements sont porteurs d’espoir, il faut noter que les revendications restent globalement réformistes, à cause en partie des fractions libérales bourgeoises qui influencent le mouvement  : lutte contre la corruption, élections anticipées, justice pour les victimes, indépendance des institutions, financements publics, éducation gratuite. Des revendications qui, bien que légitimes, ne remettent pas fondamentalement en cause l’ordre capitaliste, premier responsable de tous ces maux. Ce qui, en revanche, contient une portée réellement subversive, ce sont les formes d’auto-organisation horizontales : plénums et zbor, qui fonctionnent comme contre-pouvoirs populaires, porteurs d’un potentiel révolutionnaire de transformation sociale.

Une confirmation des idées de Bookchin

Ce mouvement des plénums semble en phase avec deux grandes théories politiques : le communalisme de Murray Bookchin et le conseillisme ouvrier. Ces deux courants mettent au cœur de leur stratégie la question de l’auto-organisation. Murray Bookchin (1921–2006), penseur libertaire américain, défendait une démocratie directe municipale fondée sur des assemblées locales et autogérées qui formeraient l’unité de base des communes, réunies en confédération. Le conseillisme, de son côté, s’inspire des conseils ouvriers apparus notamment en Allemagne en 1918-1919 et en Hongrie en 1956, comme forme de pouvoir populaire alternatif à l’État et aux partis.

Les plénums serbes peuvent être lus à travers ces deux grilles. Ils reprennent les principes fondamentaux des deux traditions : démocratie directe, mandats impératifs et révocables, horizontalité, rejet de la délégation permanente. Dans les deux cas, il s’agit d’organiser la vie politique autour de la participation active, plutôt que de la représentation passive.

Mais les différences résident dans la sociologie du mouvement. Historiquement, les conseillistes voyaient dans les ouvriers d’usine le moteur principal de la révolution sociale. Or, dans un contexte de désindustrialisation avancée, cette perspective semble de moins en moins opérante dans les pays dits « développés ». Les grandes concentrations ouvrières deviennent rares, et les mouvements de masse issus du monde du travail traditionnel s’affaiblissent.

Aujourd’hui, les dynamiques les plus fortes émergent plutôt dans la sphère locale et urbaine, à l’échelle des communes, des quartiers, des villes. C’est ce qu’on observe ici avec les plénums, mais aussi, dans un autre contexte, avec les Gilets jaunes en France. Bookchin avait anticipé cette évolution : selon lui, le nouveau lieu de la lutte sociale n’est plus l’usine, mais la cité, et la lutte des classes s’inscrit désormais dans un cadre plus large, celui de la lutte contre toutes les formes de hiérarchie. Le modèle imaginé par Bookchin se réfère donc plus aux « citoyens dans la cité » que « l’ouvrier dans l’usine ».

Dans cette optique, le « citoyen » n’est plus simplement un électeur dans une démocratie représentative, mais un acteur politique impliqué localement dans des prises de décision collectives. Les assemblées populaires deviennent alors l’unité de base d’une future commune révolutionnaire.

Le mouvement serbe semble illustrer concrètement ces thèses. Si les plénums sont à l’origine des structures étudiantes, ils se sont rapidement élargis aux habitants des quartiers, villes et villages. Les « citoyens » se réapproprient la politique, face à des institutions qu’ils jugent corrompues et responsables de la mauvaise gestion des infrastructures publiques. Le point de départ n’est pas une grève ouvrière, mais bien une colère populaire face à l’effondrement de biens communs comme la gare de Novi Sad. Les quelques mobilisations ouvrières qui ont eu lieu restent marginales. Non par manque de combativité, mais parce que le salariat est aujourd’hui fragmenté, dispersé, et ses anciens bastions, affaiblis.

Dans ce contexte, les formes communalistes prennent tout leur sens. Les zbor évoqués plus tôt, qui dans le passé unissaient les habitants autour de décisions collectives, redeviennent aujourd’hui des lieux de résistance potentielle. Cette fois, le problème à affronter n’est plus une inondation ou une guerre, mais l’État capitaliste lui-même, et l’impasse démocratique qu’il entretient.

Une alternative aux discours dominants

Il manque aujourd’hui un contre-poids idéologique fort pour s’opposer efficacement aux discours des libéraux et des sociaux-démocrates. Ce rôle pourrait être joué par le communalisme, ou par une forme de conseillisme adapté à notre époque (Ce qu’est peut-être déjà le communalisme de Murray Bookchin, mais on retrouve dans le conseillisme des auteurs modernes comme Yohan Dubigeon).

L’objectif ne peut pas être simplement de soutenir les plénums comme structure temporaire de mobilisation. Il faut les envisager comme le socle possible d’une nouvelle démocratie directe, en rupture avec l’État-nation et le capitalisme. Cette perspective doit s’ancrer dans les masses, devenir une force collective, et non une idée portée par une minorité. Autrement, les forces dominantes et leurs relais dans le champ politique enfermeront une fois de plus la contestation dans un cycle réformiste sans fin, où le capitalisme restera toujours présenté comme indépassable.


source :

https://www.rfi.fr/fr/europe/20250322-serbie-les-assembl%C3%A9es-populaires-comme-nouvelle-forme-de-mobilisation-contre

https://www.ouest-france.fr/europe/serbie/zbor-quand-la-serbie-reinvente-la-democratie-directe-a1a4546a-0964-11f0-8a07-c6476d4a0ef7

https://www.rfi.fr/fr/europe/20250705-%C3%A0-la-une-regain-de-la-contestation-anti-vu%C4%8Di%C4%87-en-serbie

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/07/03/en-serbie-le-mouvement-de-protestation-se-radicalise-face-au-durcissement-du-pouvoir_6617459_3210.html

https://www.liberation.fr/international/europe/en-serbie-la-mobilisation-contre-le-pouvoir-entre-dans-une-nouvelle-phase-20250709_2RRPEWPUW5DAHDCPTPIMDB3FWQ

https://www.rosalux.de/en/news/id/53121/serbian-students-are-reimagining-what-society-could-be

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    CreatBot D600 Pro 2 Industrial 3D Printer is a advanced 3D printing device designed for engineers demanding accuracy, reliability, and versatility in 3D printing. As part of the D600 lineup, it incorporates a large build volume, advanced dual extruder technology, and top-tier features suitable for industrial use and complex materials.

    Overview of the CreatBot D600 Series
    The CreatBot D600 and D600 Pro establish new standards for large-scale 3D printers solutions. With a printing area of 600 ? 600 ? 600 mm, these industrial 3D printers cater to a broad spectrum of industrial 3D printing demands, from big model prototyping to end-use production. The D600 Pro lineup and the latest D600 Pro 2 introduce further improvements in performance and material compatibility.

    Main Features and Benefits
    Industrial-Grade Large Build Volume

    Build size: 600 ? 600 ? 600 mm
    Ideal for large-scale 3D printer projects and industrial 3D printing
    Supports engineering-grade materials and complex prototypes

    Dual Extruder System and High-Temperature Printing

    4th generation 1.75mm dual extruders and hotends for multi-material printing
    Right and left extruder design for flexible printing
    Supports high performance 3D materials, including PLA, nylon, carbon-fiber, and more
    Maximum extruder temperature: up to 420°C (high-heat)
    Heated build chamber for high-performance applications

    Accuracy, Speed & Dependability

    Professional 3d print quality with accurate layer resolution
    Advanced motion system for fast printing and robust performance
    Consistent print speed up to 120 mm/s
    Reliable operation for continuous industrial use

    Compatible Materials and Filaments
    Wide Filament Compatibility

    Works with a broad spectrum of filament types: PLA, ABS, PC, PETG, PVA, nylon, carbon fiber, and more
    Designed for technical materials and functional prototyping
    Advanced dual extrusion system enables multi-material and soluble support printing

    Applications: From Prototyping to Production
    The CreatBot D600 Pro 2 model and D600 Pro serve a diverse set of applications:

    Rapid prototyping and large scale 3D printing models
    Functional parts for automotive, aerospace, and engineering
    Tooling, jigs, and fixtures for industrial production
    Art, architecture, and creative projects requiring large-scale industrial 3d printing

    Technical Specifications

    Model: CreatBot D600 Pro 2, D600 Pro, D600
    Build volume: 600 ? 600 ? 600 mm
    Extruders: Dual extruder, 4th generation 1.75mm dual extruders and hotends
    Maximum extruder temperature: 420°C
    Bed temperature: up to 100°C
    Filament size: 1.75 mm
    Layer resolution: 0.05 – 0.3 mm
    Supported filament: PLA, ABS, PC, PETG, PVA, nylon, carbon fiber, engineering-grade materials
    Print speed: up to 120 mm/s
    Chamber: Heated, for improved material properties
    Control: Touchscreen interface
    Supported file types: STL, OBJ, AMF

    Comparison: D600, D600 Pro, and D600 Pro 2
    Key Differences

    D600 model: Entry-level industrial large scale 3d printer for basic applications
    D600 Pro: Enhanced with heated chamber, auto bed leveling, and wider material support
    D600 Pro 2 (pro version): Adds higher print speed, improved reliability, and HS (high speed) configuration

    Other CreatBot Models

    CreatBot D1000 HS for even larger build volumes
    CreatBot lineup includes industrial and professional 3d printer solutions

    Frequently Asked Questions (FAQ)
    What materials can the CreatBot D600 Pro 2 print?
    The CreatBot D600 Pro 2 is compatible with a wide range of filament including PLA, ABS, PETG, PC, nylon, carbon fiber, and other engineering-grade materials.

    What is the maximum build volume of the D600 Pro 2?
    The build volume is 600 ? 600 ? 600 mm, supporting large model and industrial 3d printing needs.

    Dual Extruder and High-Temp Support on D600 Pro 2
    Yes, it is equipped with dual extruder technology and reaches up to 420°C for high-temperature printing.

    What differentiates the D600 Pro 2 from the D600 Pro?
    The D600 Pro 2 offers higher printing speed, improved reliability, and the new HS (high speed) option.

    Summary
    The D600 Pro 2 and the CreatBot D600 Pro industrial professional set the benchmark in the industrial 3D printer category. With exceptional build volume, robust dual extrusion system, compatibility with technical materials, and top performance across applications, they empower businesses and engineers to achieve new heights in industrial 3d printing.

    [url=https://creatbotd6002.com/professional+large+format+3d+printer]professional large format 3d printer[/url]
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    [url=http://www.creatbotd6002.com]d1000[/url]
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