
L’individualisme forme l’aspect premier du libéralisme, l’aspect premier de l’aliénation du prolétariat. Nous n’entendons pas la fin des individualités, mais bien au contraire leurs revalorisations par l’entrée de concepts novateurs dans la pensée philosophique du capital, le procès de personnalisation et de réification ( Lipovetsky, L’ère du vide) . Nous daterons ces procès dans la période post-seconde guerre mondiale, période moderne et néolibérale que nous traiterons au prisme de la société de production et des besoins capitalistes.
- Un nouveau Narcisse
Cette période moderne, surtout concentrée sur les trente glorieuses, nous la nommerons période hédoniste. Entre 1945 et 1975, pour le cas français, par l’entrée du néolibéralisme s’enclenche une nouvelle socialisation, une association de l’homo psychologicus et du système de production capitaliste. C’est ici toute la fourberie du capital et ses conséquences aliénantes pour le prolétariat.
Par la crise des deux guerres successives, l’individualité prend les aires d’un nouveau narcisse, le culte du moi prédomine à l’intérêt commun, cela se résume au désintérêt croissant de la politique et de la volonté politique, la société individualiste se contente de voir en la liberté le moyen de se complaire en l’étalage de son besoin au pulsionnel. La liberté pourtant, d’un point de vu rousseauiste, est, quand elle s’entremêle au concept d’association interindividuelle, en d’autres termes: l’association entre individus.
La liberté d’association ( la liberté, le droit pour les individus de s’organiser entre eux), a comme point fondamental le besoin, lui-même étant facteur primordial de la notion de volonté. Pour détailler cette vision rousseauiste, s’associer revient à la recherche du comblement de ses besoins. La sédentarisation relevant du rapport à “l’intérêt” entre individus, pour une maison je ne peux faire le plombier et le charpentier, l’individu cherche en “l’intérêt” la volonté de le combler, j’ai la volonté de répondre à un besoin par l’intérêt que la sédentarisation créer ( vivre en communauté pour répondre à des besoins qui s’élargissent: maisons, électricité…) La volonté est base de liberté car rapport intime entre le besoin et l’individu. La volonté est la valeur du besoin, pour le dire autrement.
À l’inverse, la philosophie capitaliste brise le schéma communautaire en privilégiant une autre socialisation, liée à la consommation, non à la production ou à la volonté, mais à la pulsion. Elle élève la liberté à la pluralité des choix, pour l’individu, entraîné par le pulsionnel, c’est-à-dire l’idéal pluriel du consommateur, alors le culte de la nouveauté, de l’immédiateté ( mode, surconsommation, choix multiples de divertissement…). Ici, la volonté n’est plus valeur du besoin, elle n’est plus l’attache du besoin et de l’association interindividuelle, elle est remplacée par la notion de pulsion. La pulsion forme la contrainte presque bestiale de l’individu retranché dans son simple rapport de consommation-bonheur. La pulsion est le moyen pour le capital de créer l’individu consommateur, non plus lié à la communauté et à l’intérêt commun par le lien d’association-volonté-besoin, mais à la simple manipulation consumériste pulsion-consommation.
Pour résumer, petit schéma: volonté-intérêt, intérêt- l’association, association-socialisation. Ce schéma tripartite résume une socialisation interindividuelle collective, base d’une société commune, opposée au schéma libéral pulsion-consommation que nous détaillerons. Sous le capitalisme, l’individu n’est plus l’attache du besoin à l’association, il est le moyen de l’atteindre. Sous le capital, narcisse ne veut plus voir l’association comme une socialisation mais veut de l’individu qu’il se fasse moyen d’assainissement de ses pulsions.
La politique ne forme plus le moyen d’association, alors de socialisation mais elle est devenue une pratique élitiste servant à la complaisance du système néolithique ( cf dernière partie) basé sur un hédonisme de consommation.
Par système Hédoniste, par Hédonisme de consommation, nous entendons une nouvelle socialisation se préoccupant d’abord d’objectifs matériels liés à une psychologisation accrue de l’individu. Cette nouvelle socialisation lie l’individu au système de production. Un homo psychologicus lié à un culte de la nouveauté, de l’immédiateté alors de la surconsommation. Immédiateté car l’individu moderne est construit en opposition au schéma passé, culte de la nouveauté, de la rupture instauré par le capital, servant uniquement au besoin de surproduction, vitale pour la création d’un marché viable pour ce système. C’est ici que le procès de personnalisation prend sens, il n’est pas seulement question de culte de la nouveauté mais en parallèle d’un culte du vide, de la désertion de la société, de l’apathie se comblant à une socialisation nouvelle, le consumérisme. L’individu déserte la société, la communauté car il est restreint au pulsionnel, des pulsions qu’ils tentent de combler par la consommation, le capital crée donc le problème et la solution bien qu’elle soit éphémère et instable.
Cette psychologisation croissante de l’individu est la somme de la rupture de l’époque capitalo-fasciste. Le capital à mis en place le fascisme et s’est servi de la rupture artistique ou psychologique qui s’en est suivit par un système Hédoniste, ce dernier répondant au besoin croissant du néolibéralisme en établissant un individu et une nouvelle socialisation capable de soutenir la surproduction vitale au marché néoliberal, il faut rajouter à cela les besoins nouveaux d’un individu en rupture et en recherche de psychologisation de son environnement et de son narcissisme moderne.
De ça, il faut noter que le système capitaliste, en France par les trente glorieuses, n’a pas subi un art contestataire, un renouveau de l’individu, une critique des institutions, des mouvements politiques contraires à son idéologie, il les a construits.
Le libéralisme a construit le culte du moi sans le moi, c’est-à-dire la création d’un nouveau Narcisse par la désunification de l’individu ( il s’est réifié, cf partie II), en un nouvel animal social de consommation. Le néolibéralisme visant l’exploitation plus massive du prolétariat, le capital a construit un homo psycologicus capable de repousser la notion de besoin à une promotion des pulsions et de la surconsommation s’étant lié à une socialisation de l’immédiateté car entraînée dans la pensée surproductiviste.
Pour résumer, l’hédonisme de consommation est à la fois cette socialisation nouvelle visant à combler les besoins de surproductions du marché néoliberal, et dans un même temps, le sauvetage de la classe bourgeoise en la création d’un nouveau narcisse inquiet à la résolution de ses pulsions avant les données politiques, historiques et la lutte des classes en jeu. Le culte du nouveau, de l’immédiateté, de la rupture n’ont servi qu’en une création d’un homo psychologicus ne voyant qu’à travers des pulsions qu’ils pensent résoudre par la consommation excessive, n’en résulte que l’indifférence par saturation et hypersollcitation. Le projet historique ou politique oublié aux soins de la pulsion consumériste.
S’ensuit un culte du loisir, celui-ci étant l’idée de concéder du temps au travailleur, ce dernier ne sort donc pas du système productiviste, il y prend une simple “pause”. Par ces cultes pluriels ( nouveauté, immédiateté, rupture, mouvement), et leurs relations au pulsionnel, la société s’axe autour d’une consommation des loisirs et des plaisirs. Le travailleur ne repense pas le système de production mais se contente d’une socialisation consumériste et pulsionnel, un homo psychologicus oubliant le politique, l’historique. Le travail devient vertu car il comble la pulsion que le capital transforme en sentiment de loisir, de plaisir le travailleur se pensant libéré n’est pourtant qu’encore plus enchaîné au système de production. Le capital a donc mis en place une socialisation consumériste pour combler les besoins neoliberals en passant par l’avènement du pulsionnel, qu’il farde en plaisir par la notion de loisir alors que celui-ci n’est qu’une concession du capital dans l’étendu de la plus-value que le travailleur lui offre.
Ajoutons à cela le procès de sacralisation, visant en l’accroche du traditionnel, des schémas passés, à la fois comme réponse à l’échec de l’hédonisme de consommation et au besoin de réponse d’un individu vidé par l’incessant culte de la nouveauté. Tout se lie à la production et aux besoins du capital. l’hypersollicitation du capital envers l’individu, sur l’aspect consumériste ou narcissique (lié à la production), entraîne la désertion et l’indifférence, pour palier à cela, se raccroche aux mythes fondateurs de l’individus pré-modernes, que ce soit par l’idéal du mariage, de l’enfantement, de l’identité, du religieux. Le capital se sert alors d’un homo psychologicus se rassurant aux besoins consuméristes, mais dans un même temps, face à l’échec d’un système de surproduction, place en l’individu le germe du fascisme comme moyen de se penser lié à une identité détruite par le capital lui-même. Le capital se sert de la rupture en créant une consommation hédoniste et une socialisation consumériste, et s’attend à l’indifférence qu’elle créer par le développement d’un autoritarisme identitaire comme quête de l’identité individuel perdu de par cette homo psycologicus, lui-même lié au consumérisme éphémère d’un individus au bonheur pulsionnel.
Marx a bien vu l’impossible accroche du marché capitaliste, il est voué à s’effondrer. Ce qu’il n’a pas théorisé, c’est que cette chute n’est pas une fin, c’est la solution face au dérèglement de cette entité “ d’auto-régulation”. Le fascisme est une quête identitaire et économique de la bourgeoisie, une radicalisation de la classe bourgeoise quand le socialisme commence à se faire réponse devant les dysfonctionnements de ce système. Le marché ne s’autorégule pas, le libéralisme marche par phase, nous sommes dans celle-ci: hedonisme de consommation- croyances libérales puritaines et protestantes à l’américaine- surexploitation du prolétariat et richesse accrue de la classe bourgeoise- procès de sacralisation, fascisme et réponse identitaire d’un système ayant dévoyé l’identité individuel au profit de la consommation- relance de l’appareil étatique et du libéralisme par la guerre et d’une nouvelle socialisation autoritaire : la production est relancée et la bourgeoisie contrôle l’ensemble des travailleurs, leurs vies et les marchandises.
En somme, nous ne voulons pas la destruction de l’individualité mais bien son épanouissement par la destruction de l’individualisme vu par le prisme de l’influence productiviste capitaliste.
Nous traiterons ensuite le symbolisme qu’entraîne l’hédonisme de consommation, entre travail abstrait et système axiologique nouveau devant la consommation.
- le procès de réification.
Le procès de personnalisation entraîne la désertion de l’individu et un sentiment apathique face à la société capitaliste, entraîne de ce fait un procès de réification, alors d’aliénation.
L’idéal de l’individualisme se résume en la pluralité des choix, qu’ ils soient psychologiques, politiques ou consuméristes, mais cela entraîne l’homogénéisation des besoins par aliénation du système de marché. Cet idéal de la pluralité des choix, n’entraîne qu’une désertion et une réification de l’individu à la valeur de productivité qu’il représente, la liberté libérale se résume à la valeur que l’on apporte au marché que ce soit en produisant ou en consommant. Nos besoins sont poussés par cette nouvelle socialisation, calculés selon un pouvoir d’achat et un profit potentiel, nous devons donc faire face à une manipulation et un avancement dangereux de la notion de besoin et de valeur tout en étant contraint à l’exploitation capitaliste pour les combler. On nous pousse au pulsionnel, et pour légitimer la pulsion, le capital donne l’exploitation comme l’égale du besoin. Pour détailler ce propos, l’exploitation se voit légitimée face aux besoins incessants de nouveautés et de surconsommations, que ce soit par la FAST-fashion et les enfants/ peuples esclaves de notre narcisse hédoniste ( par exemple).
Le procès de personnalisation entraîne la légitimation, qu’elle soit psychologique ( culte de la nouveauté, de l’immédiateté) ou productiviste ( culte du mouvement, du travail, de la production), de l’exploitation de son corps.
I.a un nouveau système de valeur.
La valeur d’usage, le rapport naturel entre nous et les choses comme disait Marx, se voit, à l’instar du besoin, accablée par les logiques de cette nouvelle socialisation à la surproduction. nous n’entrevoyons plus le besoin et sa valeur comme rapport naturel mais comme effort de travail pour combler ce narcissisme moderne.
Nous ferons l’hypothèse que la “valeur” travail, au sein de cette nouvelle individualité, à remplacer la valeur d’usage. Le capital donne en principe l’accès universel à la satisfaction des besoins, mais s’opère une scission entre le qualificatif et le quantitatif. L’argent comme “ incarnation de la richesse sociale” ( Marx), donne l’accès au besoin comme valeur quantitative et quantifiable en fonction de sa valeur de productivité et de son travail, l’aspect qualitatif se quantifie à une valeur de productivité. L’individu victime de la division du travail se trouve en somme exclue du domaine qualitatif, mais espère par cette valeur travail atteindre une valeur d’usage sempiternellement repoussée à une qualité toujours plus forte, alors demandant un travail toujours plus exploitant. Nous pouvons aussi analyser le remplacement progressif de la jouissance des besoins en la possession elle-même, l’individu par la contrainte de l’impossible accès aux besoins qualitatifs ( besoins normatifs selon la vision de la classe bourgeoise: profit et rareté), se raccroche au quantitatif et à la surconsommation. L’acte de possession sert le besoin du narcisse moderne.
Le capital a miné les rapports de besoins-production en besoins-consommation et a légitimé l’exploitation du prolétariat.
L’important n’est plus le rapport productiviste qui lie le travail et son artisan, c’est le rapport consumériste qui lie l’individu et son nouveau besoin de surconsommation. Le travailleur ne se soucie plus de la valeur d’usage comme satisfaction des besoins, il se concentre sur “le travail abstrait”, ce qu’il fait pour satisfaire ses besoins, là se concentre l’aliénation du travailleur à son rapport à la production. L’allongement du temps de travail et donc de la plus-value ( l’exploitation du travailleur au seul bénéficiaire de la division du travail, le capitaliste), donne le besoin comme donnée en constante évolution, le travail abstrait s’intensifie car le travailleur aliéné acceptera son exploitation alors qu’il n’assouvira jamais ce besoin.
Pour aller plus loin dans les notions de travail abstrait/ valeur d’usage. La valeur d’usage est la satisfaction première des besoins du travail ( moyen pour payer son loyer, manger…), le travail abstrait c’est la conséquence de l’aliénation du travailleur à cette nouvelle socialisation et ce nouveau narcisse qui voit en son exploitation le moyen d’atteindre de nouveaux besoins ( créés de façon incessantes par le capital). Le travail abstrait façonne la valeur d’échange de la marchandise, c’est-à-dire le rapport production/ marchandise/ consommation, et sa spéculation en fonction du travail donné. Le travailleur spécule lui-même sur sa satisfaction au besoin par la valeur d’échange travail-consommation. Ainsi, la valeur d’usage se transforme peu à peu en valeur d’échange, celle-ci dans la consommation hédoniste se symbolise à la valeur profitable qu’elle pourrait engendrer, comme dit Marx, le diamantaire ne voit pas l’esthétisme du diamant mais sa valeur marchande, plus terre à terre, nous voyons en nos objets le sentiment jouissif de possession, d’échange, de valeur… multiplié aux pulsions quantitatives, le narcisse hédoniste convaincu par le système consumériste se laisse au Symbolisme de la valeur d’échange. Tout comme le travail, ce dernier devenant la symbolique de consommation du travailleur, je ne travaille plus pour produire, je travaille et accepte mon exploitation pour courser un besoin qui prend le train, celui-ci s’appelant capitalisme. L’argent est le quantifiable de la richesse sociale, la donnée du narcisse hédoniste devant la représentation abstraite de son travail. L’argent et le processus travail, non plus en la production qu’en l’activité en elle-même, deviennent un tout, l’individu lui-même. L’individu voit en l’argent et en son travail une part de lui, il est car il a les capacités de posséder au sein d’un système qui le pousse à consommer et à voir en la possession les moyens quantifiables d’assouvir ses besoins. Ceux-ci n’ont rien de qualitatif, l’argent ne sert qu’en quantification des moyens de richesse sociale, c’est-à-dire la capacité pour notre narcisse de combler ses pulsions consuméristes, en ne comblant aucun besoin, mise à part ceux instaurés pas le capital lui-même et toujours repoussés. Rien ne peut être comblé, le besoin étant sans cesse repoussé et quand il est dit comblé c’est dans un incessant processus de consommation.
Nous vivons dans un système vendant le temps de travail comme richesse absolue en niant la seule richesse matérielle qu’est la valeur d’usage, tout en installant un schéma antinomique par la production marchande entre valeur d’échange et valeur d’usage. Le capital nous vend le travail comme richesse sociale et matérielle en faisant de la valeur d’usage un moyen de production marchand. La valeur d’échange est devenue l’unité de mesure de la valeur d’usage, échange marchand tant matériel qu’immatériel pour le travailleur, il est réifié en l’incarnation d’une valeur sociale dû à un temps de travail donné. Ce temps de travail n’est évidemment qu’une supercherie, pas une richesse, il est la manipulation du prolétariat pour son exploitation toujours plus massive. Jamais le temps de travail ne sera notre richesse, la seule richesse est la valeur d’usage, déliée de la pensée marchande et de la plus-value bourgeoise.
Ceci peut expliquer le rapport presque intime de l’individu moderne au travail, nous connaissons tous celui où celle qui se tue à la tâche et s’en félicite en prêchant la parole marchande. Nous pourrions expliquer cela par le rôle donné à ce nouveau narcisse, une socialisation visant la consommation quantitative plutôt que qualitative dans un système donnant le temps de travail en richesse absolue alors en moyen de combler les rapports nouveaux de cet individu.
Le temps de travail ne doit plus être la mesure du travail, tout comme la valeur marchande ne doit plus être la mesure de la valeur d’usage, seul doit substituer un système où la valeur s’évapore au profit du besoin nécessaire délié du besoin radicale ( entraîné par le capital). Narcisse doit disparaître pour faire de la production un système de “ producteurs associés” ( Marx), où le travail est un produit social profitable à tous et aux besoins individuels.
Nous pourrions ajouter que l’homogénéisation des besoins passe aussi par le passage des besoins en un avoir, prolétaire comme bourgeois. L’un cherche à combler ses pulsions et cherche sa survie, il se fait alors narcisse et par cupidité se laisse au symbolique du travail abstrait, quand l’autre obtient l’accaparement des richesses ( quantitatif pur et accaparement infinis, le quantitatif étant le profitable du libéralisme, l’argent est le quantitatif pur), et aussi celui de la notion de propriété privée. L’homogénéisation des besoins chez le prolétariat passe également par la désertion des sujets historiques et politiques, il est chosifié, il est un élément profitable au système capitaliste en se construisant lui-même une vie de l’avoir.
I.b Pour aller plus loin sur la “valeur” travail et le système de production capitaliste.
Pour revenir à notre théorie, la valeur d’usage à été remplacée par la valeur travail ( pure philosophie capitaliste), par une spéculation de la satisfaction des besoins par la notion de travail abstrait, ce dernier permettant l’aliénation du travailleur en légitimation de son exploitation, le travailleur voyant au travail une valeur capable de soutenir les pulsions d’un narcisse libéral. Le travail abstrait donnant la plus-value du travail ouvrier comme légitime face au besoin consumériste du néolibéralisme, rassurant notre narcisse hédoniste dans sa quête au soulagement du pulsionnel. La division du travail permet cette homogénéisation des besoins, tant pour le bourgeois que pour l’ouvrier, l’utile devient l’intérêt, l’usage l’échange profitable, qu’il soit de bénéfice ou de survie ( physique ou social).
Nous ne nous contentons plus de l’usage, nous le confrontons aux logiques de consommation, le besoin s’objectifie, le plaisir se tourne en la matérialité de l’objet et de son tout, le système de production capitaliste. Le besoin est figure de production et de besoin de production, mais sous le système capitaliste pulsionnel, le besoin se réifie au profit d’un système de surconsommation et de surtravail. Un besoin se trouve lié à un objet concret, souvent associé à un système de valeur ( pulsion), une donnée axiologique entre en jeu, le besoin est objectifié, et cet objet est le fruit du symbolique, que ce soit par l’idéalisme de loisir, de déréalisation ou d’une complaisance à un vie de l’avoir.
Le besoin naturel s’est transformé et est devenu la recherche du comblement de la pulsion du Narcisse. La société bourgeoise, la société de classe et la division du travail vu comme rapport naturel social et de production, donnent l’intérêt privé comme besoin naturel, paradoxalement en réduisant les besoins réellement naturels( manger, se loger, se déplacer, la paresse), posséder c’est combler ses besoins, travailler c’est penser les rassasier. L’intérêt général est devenu l’intérêt du moi dans l’ego pur, c’est-à-dire un instinct ( pulsion) sauvage et compulsif, la nécessité naturelle étant devenue un lien social et non plus politique. Nous entendons par-là la manipulation bourgeoise et l’aliénation du prolétariat pensant selon la société de classe, la pulsion consumériste étant devenue un besoin naturel d’un narcisse voyant en l’intérêt privé la resubstantalisation de ce qu’il a perdu par la réductions de ses besoins naturels.
L’individu se réifie en voyant son être au le prisme de la possession, l’argent étant la donnée quantifiable pure il ne se contente généralement que du quantitatif à défaut du qualitatif. Par le lien social instauré par cette nouvelle nécessité “naturelle” de la pulsion consumériste dû à cette nouvelle socialisation narcissique, se voit être quand il est le moyen et quand il a les moyens d’atteindre un but, et voit en autrui un être quand il est moyen ou but de son intérêt individuel. Cet intérêt n’est qu’un mirage libéral, celui-ci résidant en des besoins qui se veulent profitables sous le capital ( se loger par exemple), alors face à la réduction de ses besoins, Narcisse les comble dans l’idée du besoin individualiste, lequel ne lui apporte aucune satisfaction réelle, ses besoins naturelles n’étant jamais comblés, juste artificialisés à la sauce consumériste.
Il faut ajouter le besoin d’abandon de ces valeurs d’intérêt, faisant de l’individu et du travailleur un tout avec le capital, il faut repenser le système de production hors de la pensée d’intérêt, il n’y a pas d’intérêt individuel ou général, la lutte ouvrière n’est pas une lutte salariale de recherche perpétuel d’intérêt. Les syndicats, dans leur forme actuel, sont en ce sens des organes libéraux , il ne détache pas l’individu du capital, à l’inverse l’ancre dans la pensée productiviste capitaliste en faisant de sa lutte un moyen d’intérêt toujours lié au système Hédoniste ( symbolisation du travail), égoïste et consumériste.
Le besoin est un fait historique majeur, mais sous le capital le besoin comme l’individu, ont été objectifié en un profit de logique marchande de surconsommation et de surproduction. Surtout, le système des besoins forme un tout, alors la conception de l’être chez l’individu. Pour se maintenir en édifice social, le capital use de la structure des besoins, il est évident que ceux-ci ne sont jamais comblés, seulement repoussés à l’éternel consumérisme d’un individu “ sans besoins”, un individu jamais satisfait par le besoin mais jouissant de l’imaginaire de la possession matérielle. L’individu doit voir au tout social le devoir collectif, alors la reconstruction d’un individu du commun. Cette négation des besoins naturels par la création de nouveaux besoins naturels sont la preuve de l’incapacité du système capitaliste, comme disait Marx, plus le capitalisme avance, plus la pauvreté avance. La théorie de l’appauvrissement absolu s’explique par cette négation du besoin naturel en création d’une structure sociale des besoins voulus comme naturels, et aussi par la marchandisation de la valeur d’usage, alors l’antinomie valeur marchande/ valeur d’échange faisant du prolétaire ( classe voué à une expansion croissante dû au capital), un individu sans besoins car toujours plus pauvre, sans être comblés par des besoins naturels, et ces derniers sans cesse repoussés à une quantification par le passage du travail abstrait. Le capital impose le masque de narcisse pour qu’il soit contraint à la pulsion pour ne pas penser au politique, à l’histoire ( réductions des besoins collectifs). Le capital est une gangrène économique, psychologique et politique.
I.c La “conscience énorme”.
La lutte ouvrière est devenue une lutte d’abord particulière avant un devoir collectif de la “ conscience énorme” ( Marx), c’est-à-dire la conscience de l’aliénation. La lutte ouvrière est devenue un ancrage plus utile que le capital lui-même pour la bourgeoisie, l’ouvrier voit par son combat syndical un intérêt individuel trouvé selon les bons vouloir du système de production. Nous voilà de nouveau face à Narcisse, celui qui se veut comblé d’individualisme, de loisir, de nouveauté et de consommation. La lutte syndicale n’est que le complément du fétiche de la marchandisation des êtres et du système marchand, on négocie le loisir en échange de la hausse des taux de productions et de la plus-value, on négocie les besoins que le capital crée, on négocie leur comblement par soucis d’égoïsme.
La lutte syndicale a conforté le nouveau Narcisse et le système qui l’a créé.
Il y a un problème dans cette analyse, qui a créé cette conscience énorme ? Je dirais que le capital a engendré la conscience de l’aliénation par un système antinomique ( besoin/ nécessité, nécessité/ hasard du système de marché par la mise en valeur des besoins, hasard/ teleologie), donc c’est la conséquence de l’incapacité à la stabilité de ce système, mais c’est aussi ( hypothèse), un moyen d’empêcher l’ancrage révolutionnaire. Par-là j’entends une réponse à la radicalisation de la production capitaliste, par les besoins radicaux ( besoins engendrés par le système capitaliste) sans cesse repoussés en nécessité, l’antinomie capitaliste est utilisée en conscientisation de l’aliénation. Le besoin utilisé en élément naturel se révèle artificialisé, avoir conscience de l’aliénation qui en découle est une chose, il ne reste qu’à ne pas en faire bénéficier le capital. Je dirais que la bourgeoisie se sert de cette opposition politique, économique et philosophique, d’une part en aliénant la lutte salariale ( luttes particulières et non générale comme la fin du salariat), et d’autre part en acceptant cette conscientisation car elle pourrait servir son dessein. Pour sortir victorieux de la lutte des classes, nous devons changer l’humanité ( travail demandant un léger effort), un changement dont le capital se sert pour placer en l’individu le germe de la radicalisation bourgeoise, le fascisme. Mon hypothèse est la suivante, le capital créé la conscience énorme par son inaptitude face à l’humanité mais se sert du chaos pour aliéné cette conscientisation en un moyen de luttes ouvrière et humaines particulières ( l’on se concentre sur le loisir, la consommation, à la course aux besoins radicaux, ceci découle de la création d’un nouvel individu), nous renvoyant à l’amère révolution bourgeoise, le fascisme. Ceci pour l’oubli du devoir collectif, celui-ci visant la fin de l’exploitation capitaliste par le renouveau du système de production en un système du commun délié de cette individualisme libéral capable du pire se pensant libre de par un Narcisse se complaisant dans le culte de l’ego pur.
En sommes le capital se servirait de cette conscience énorme qu’il a créé pour alimenter le sentiment narcissique de l’individu libéral, il se concentre sur lui et ses besoins ( plutôt ses intérêts). Plutôt que de se défaire face à la conscientisation des masses, le capital en fait une arme redoutable, un narcisse se retranchant dans l’ego d’un être sans identité, ce dernier cherchant au procès de sacralisation le moyen de répondre à ses besoins, alors le capital s’en sort radicalisé et plus puissant. Le fascisme est la conséquence de l’incapable surproduction, d’un nouveau narcisse et d’une réponse à la conscientisation de l’aliénation capitaliste en un individu se pensant résistant alors qu’il ne fait que joindre les volontés capitalistes au système qui a tant tourmenté cet individu.
- renouveau post-néolithique.
Avant d’entrer dans cette partie, petite vulgarisation de l’idée d’une révolution post-néolithique par la révolution russe de 1917.
La révolution russe de 1917 forme ce que l’on appelle une révolution post-néolithique, un renouveau de la pensée de la condition humaine. Nous n’avons jamais connu autre révolution que celle du néolithique, formant la sédentarisation de l’humanité, alors l’élaboration d’une agriculture intensif et son “stockage”. Par la suite la gérance de ces stocks ont fait de l’État la puissance des subsistances, alors la création d’une élite dirigeante capable de les contrôler, non sans l’aide d’armes et de leurs armées. L’agriculture, alors les moyens de subsistance, en somme la prétention d’une poignée à détenir la terre, n’est que la conséquence du néolithique et de son élite dirigeante. Des entrepôts de blé à l’agro-industrie, jamais l’exploitation des terres n’a servi à la subsistance des populations mais plutôt à la mise en place d’une main de fer capable de freiner l’ancrage révolutionnaire. Ainsi détenir les moyens de subsistance permet d’empêcher l’intersectionnalité de nos luttes du fait de l’impossible relation lutte étudiante-ouvrière-paysan. Alors que toute lutte se base sur la fin de la propriété bourgeoise, alors la reconquête des lieux de productions permettant de freiner le marché libéral, plus encore de permettre au prolétariat d’ancrer une lutte dans le temps, et de résister contre l’oppression capitaliste des états liberticides, l’agro-industrie mise sur l’impossible lien des moyens de subsistances et des révoltes ouvrières/ étudiantes et des idéologies politiques. Par des syndicats patronaux (FNSEA) et la politique de la dette sur le monde paysan, c’est à la classe paysanne que s’attaque la classe bourgeoise. Éradiquer la classe paysanne, c’est permettre l’exploitation plus massive des terres par une poignée, alors l’hégémonie de la classe bourgeoise et la répression de la classe prolétarienne. Il est évident que l’agro-industrie n’est pas “l’entrepôt alimentaire du monde” comme l’entend ses patrons, si telle était la situation, des milliers de tonnes de produits alimentaires ne seraient pas jetés. L’agro-industrie est le plan liberticide des états capitalistes, la solution face à l’impossible ancrage révolutionnaire. Le gaspillage n’étant que la conséquence des besoins de surproduction et de spéculation du marché libéral.
Une révolution post-néolithique ? Nous entendons par là que la révolution russe, par la collectivisation, l’idée de dépossession des terres d’une bourgeoisie exploitante, restructure l’humanité en permettant de repenser la révolution néolithique, la gérance des moyens de subsistance et de la propriété des terres.
Nous faisons l’hypothèse que face au danger que cela présente, le capital dans sa période moderne et par le néolibéralisme, a ancré la révolution néolithique comme moyen de contrer le renouveau humain que 1917 représentait, cela en mettant en place une nouvelle socialisation, une nouvelle individualité, entraînant l’aliénation des peuples et la légitimation de son exploitation (sans compter la révolution léniniste comme révolution bourgeoise, ainsi l’instauration d’un capitalisme d’état).
Le danger se présentant en la fin de la propriété bourgeoise, l’élaboration de ce nouveau narcisse capable de voir en celle-ci l’accomplissement du procès de personnalisation en le traduisant comme bénéfique à sa liberté individuelle, devient vitale pour la classe bourgeoise. Comme nous l’avons vu ultérieurement, les problématiques autour des quantités/ qualités doivent s’inverser, l’argent ne doit pas être le vecteur du quantifiable sur le qualitatif, la société doit être régis par la qualité et ainsi par la revalorisation de la valeur d’usage à défaut de la valeur d’échange. Ce sera un processus psychologique, de pensées matérialistes et d’un renouveau de la pensée de classe et du besoin normatif, celui-ci sera délié des besoins bourgeois au profit commun du qualitatif dans un processus de production généralisé, non plus ancré dans l’aliénation de la recherche abstraite du produit individuel et narcissique.
Le capital cherche l’ancrage du néolithique comme moyen de protéger l’appareil d’État, ce dernier étant la garde institutionnalisée de la bourgeoisie, l’instance supérieure de gérance de la production.
Ceci peut être une des raisons de l’anti-étatisme, car même aux mains d’un régime socialiste, l’état forme par nature le rempart à l’ancrage révolutionnaire car empêche la pensée post-néolithique, qui formerait la fin d’une classe dominante, propriétaire des moyens de consommations et de ses fruits.
- Conclusion.
Cette nouvelle socialisation et ce nouvel individualisme entraîne le repoussoir constant de la notion de besoin, celle-ci entraîne l’aliénation du travailleur et de l’individu par procès de réification au seul profit de la mise en valeur du capital et du système de marché, la notion de besoin ne formant qu’un moyen pour atteindre ce profit. Le capital a créé un individu capable de courir à travers un besoin déguisé en guépard alors que lui n’est qu’une tortue, une course incessante où le moyen s’estompe pour le but, où l’exploitation se légitime et où le travailleur est aliéné à cette quête sempiternelle. Comme dit Agnès Heller, cela fait de lui un individu “sans besoins” car le système capitaliste, par l’exploitation du travailleur et la division du travail, ne laisse qu’au prolétariat son appauvrissement matériel et psychologique.
Le nouveau narcisse cherche la déréalisation constante d’un système qui le vide, par le rire, l’art… qu’il déstructure en la désubstantialisation de son versant politique, historique pour son confort et son plaisir. Il est à la fois question de l’implication de cette nouvelle socialisation mais aussi de l’abrutissement des masses… allez faire la fête constamment, regarde la tv, se perdre dans un monde qui se veut diverti pour ne plus penser, un monde qui se préfère limiter à l’image, au paraître, à la pulsion et au plaisir avant de penser.
Nous dirons pour finir que nous ne voyons plus en l’objet son rapport humain de production, on le symbolise par fétichisme marchand, nous voyons d’abord un système de valeur ( hédonisme de consommation). C’est ainsi que le capital entraîne l’aliénation de l’individu, par la consommation et la socialisation nouvelle qui en découle, que ce soit dans les rapports sociaux ou dans les rapports de production/ consommation.
( de plus, je vous invite à vous renseigner sur l’importance de la notion de quotidien dans la lutte anticapitaliste, un quotidien balayé par ce nouveau Narcisse/ à lire, La Forme Commune.)
Le capital se défend par l’ancrage de la pensée néolithique. La socialisation des moyens de productions dans un système autogéré par des conseils ouvriers, voici la seconde phase du post-néolithique enclenché par Petrograd. Nous devons repenser la dialectique comme l’entendais Marx et Lukacs, penser l’antinomique capitaliste, alors l’aliénation et la manipulation des besoins pour l’avènement d’un Narcisse laissant à la bourgeoisie le soin de le détruire en tant qu’être et membre d’un groupe social, d’une classe : le prolétariat. Nous devons repenser le système de contradiction capitaliste, le faire voir et le remettre en question, nos vies ne sont pas un jeu de hasard au profit marchand.
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