
Alors que deux camps revendiquent la victoire lors de la dernière élection présidentielle vénézuélienne, d’un côté le camp de Nicolás Maduro, successeur désigné du défunt Hugo Chávez, et de l’autre Edmundo González Urrutia et son alliance hétéroclite de partis, il semble difficile de savoir qui a réellement gagné. Cependant, nous pouvons d’ores et déjà désigner un grand perdant : les classes populaires et travailleuses vénézuéliennes.
Cela fait déjà quelques jours que l’élection présidentielle a eu lieu, mais la tension n’est pas redescendue d’un cran. En effet, Nicolás Maduro, candidat à sa réélection, qui était donné largement perdant par de nombreux sondages et observateurs, a annoncé avoir remporté la présidentielle avec 51,95 % des voix lors d’un scrutin marqué par de multiples irrégularités, avec une grande partie de la population qui s’est vu refuser le droit de vote. De plus, le régime de Nicolás Maduro n’a pas été capable de présenter une analyse détaillée du scrutin, semblant sortir un chiffre de son chapeau. Ces accusations de fraude sont appuyées par des rapports de plusieurs observateurs internationaux, mais le gouvernement vénézuélien a rejeté ces accusations et a défendu la transparence du processus malgré tout.
Depuis, rien n’a changé ou presque et le successeur désigné de Hugo Chávez semble bien déterminé à s’accrocher à son poste contre vents et marées, malgré les mobilisations populaires massives qui réclament son départ, lassées par la fraude, la répression et la faim orchestrées par ce régime despotique. Ce gouvernement dit « bolivarien », en référence au révolutionnaire Simón Bolívar, aime se présenter comme l’ami des classes populaires et travailleuses, mais il n’en est rien. Nous l’avons déjà vu à l’œuvre pendant plus d’une décennie. Autant son prédécesseur Hugo Chávez a introduit des politiques qui ont eu un impact social important, mais qui n’ont pas remis en question les structures capitalistes sous-jacentes. Son modèle a également conduit à des dérives qui ont été exacerbées sous son successeur, Nicolás Maduro. Ce dernier a non seulement renforcé les aspects autoritaires du régime, mais a également aggravé les problèmes économiques et sociaux hérités de la présidence de Chávez. Ainsi, Chávez et ses politiques ont en réalité posé les bases de la crise actuelle amenant les Vénézuéliens dans une descente aux enfers qui s’est accélérée sous Nicolás Maduro.
Le renforcement du pouvoir des milices bolivariennes proches de Maduro, l’accentuation de la répression avec des manifestants se faisant tirer à vue par la police du régime, et 94,4 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté1 sont autant d’exemples qui permettent de montrer le vrai visage de ce régime : un régime dictatorial qui se cache derrière le mot et l’idéal socialiste pour justifier ses propres politiques de casse sociale et de répression. Le régime social légué par Hugo Chávez reposait exclusivement sur la rente pétrolière, dont le Venezuela est l’un des plus gros producteurs au monde. Il était prévisible que ce régime explose sur la durée avec la combinaison de la chute du prix du baril et les sanctions internationales, faute d’une vraie rupture avec le système capitaliste mondial.
C’est ainsi qu’un environnement économique défavorable dans un régime étatique profite à l’émergence de la corruption généralisée, au renforcement de la bureaucratie, et dans le cas présent, aux militaires des forces bolivariennes, alliés et défenseurs du régime chaviste. En manque de devises étrangères, en raison des sanctions internationales contre le régime, le Venezuela est devenu un narco-État, se tournant vers le trafic de drogues mondial pour s’autofinancer et maintenir le régime despotique bolivarien. Ce trafic est organisé au plus haut sommet de l’État, avec des membres de haut rang des Forces armées du Venezuela qui semblent être en lien étroit avec les cartels et notamment celui de Los Soles, avec la complaisance, voire l’aval, des dirigeants chavistes réunis autour de Nicolás Maduro.
C’est une véritable machine qui s’est créée à l’intérieur même de l’appareil d’État, une machine qui n’a que faire du sort des travailleurs et du peuple vénézuélien et qui poursuit un seul objectif : celui du maintien de son propre pouvoir. Aujourd’hui, face à la mobilisation populaire, cette machine répressive s’agite pour sa survie.
Il ne faut cependant pas tomber dans la naïveté de considérer que la mobilisation populaire soit représentée par le camp d’Edmundo González Urrutia et son alliance, la Plateforme unitaire, qui regroupe des partis allant de la gauche à la droite la plus extrême, bien qu’Urrutia réclame la victoire en estimant avoir obtenu 70 % des voix lors de l’élection. Cette alliance, sans idéologie claire et unie seulement par l’anti-chavisme, est tout autant un ennemi des classes populaires et travailleuses que ne l’est Nicolás Maduro et le régime au pouvoir. Un bon indicateur face au vide idéologique affiché est de voir les soutiens apportés au camp de la « démocratie », autrement dit « Dis-moi qui te soutient, je te dirai qui tu es. » Et force est de constater que c’est un festival du côté des puissances impérialistes qui défilent une à une pour soutenir Edmundo González Urrutia, notamment les États-Unis.
Ce même pays avait déjà soutenu par le passé l’ultra-libéral Juan Guaidó en tant que dirigeant légitime face au même Nicolás Maduro. Faut-il rappeler que ce Guaidó n’avait gagné aucune élection, mais il avait dans son CV un soutien indéfectible au libre-marché et aux États-Unis. Et comme il s’était autoproclamé président du Venezuela du jour au lendemain, cela tombait bien. Les autres soutiens viennent du monde des affaires, après avoir eu des garanties de l’opposition via diverses promesses, de favoriser leurs intérêts.
On peut déjà envisager ce que serait donc un gouvernement Urrutia avec des privatisations à tout-va, une encore plus forte austérité pour remettre l’économie du Venezuela sur pied… des remèdes classiques qui ajoutent plus de souffrances qu’ils n’en réparent. Les classes populaires et travailleuses en ont assez de se voir imposer des bourreaux ! Que ce soit des simulations d’élections ou des élections bourgeoises classiques, c’est toujours la même musique : le peuple perd et perd encore, obligé de faire un choix sur celui qui va l’amener au bûcher. Tandis que deux énergumènes revendiquent la victoire à une élection, le taux de participation était de 59 % et ces individus osent réclamer la victoire ? Ces personnes ne représentent qu’elles-mêmes, et le seul objectif du camp de l’opposition est de se faire la voix des mobilisations populaires pour asseoir une légitimité qu’elles n’ont pas, pour mieux museler la voix populaire et travailleuse.
C’est ici que se dégage le véritable acteur des mobilisations, et la troisième voie occultée par les observateurs occidentaux : celle de l’ensemble des classes populaires et travailleuses qui n’ont aucun leader imposé. Ils sont des milliers dans la rue ces derniers jours, à braver les milices bolivariennes pour manifester, loin de tout leader que la ridicule presse internationale veut bien leur coller. La mobilisation doit non seulement s’étendre mais écarter l’opposition de droite que la mobilisation traîne comme un boulet.
Dans tout le Venezuela, il faut que les classes populaires et travailleuses deviennent un contre-pouvoir aux capitalistes et au régime de Nicolás Maduro et ses sbires. C’est la seule sortie de crise possible, ou le peuple vénézuélien replongera. Il est grand temps que ceux qui produisent décident de leurs institutions et de la marche à suivre de la production, en se réappropriant la rue et les lieux de travail et en chassant les « puissants ». À bas le narco-État et l’État bourgeois !
sources :
- D’après une étude universitaire parue dans 20 minutes https://www.20minutes.fr/monde/3136547-20210930-venezuela-extreme-pauvrete-touche-plus-75-population-selon-etude-universitaire
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